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Les écrivains / adhérents

Véronique Hallereau

Essais
photo Véronique Hallereau

Née en 1973 à Guérande (Loire-Atlantique), Véronique Hallereau a suivi des études d’histoire et de journalisme. Amoureuse de la culture russe, elle a vécu quatre ans à Moscou. Elle exerce différents métiers : rédactrice, formatrice en français langue étrangère, assistante de direction. Membre du comité de rédaction de la revue Immédiatement (1998-2003), elle a publié à compte d’auteur en 2009 un cycle de poèmes en prose de Guérande (Le Samizdat), puis un portrait littéraire de Soljénitsyne aux éditions de L’Œuvre en 2010.

http://www.vhallereau.net
Bibliographie

– Soljénitsyne, un destin. Portrait littéraire, éditions de L’Œuvre, avril 2010
– « Le chêne et le veau, une œuvre édifiante » in Le phénomène Soljénitsyne, actes du colloque international des Bernardins, 19-21 mars 2009, éd. DDB/François-Xavier de Guibert, mai 2010

Extraits

Extrait (début) de Soljénitsyne, un destin. Portrait littéraire, éditions de L’Œuvre, Paris, 2010

2007
Prologue

Le vent soufflant dans la masse des feuilles me fait lever les yeux de mon livre. Je regarde par la fenêtre. Les arbres ploient, les feuilles s’agitent, diversement éclairées par le soleil qui s’éloigne vers l’ouest. La lumière encore vive dehors, l’animation de la nature emprisonnée dans les cours de notre bloc et les immeubles staliniens en briques beiges me donnent l’envie de quitter ma chambre. Un désir soudain de laisser le livre et de marcher dans l’herbe, de quitter la ville… mais où aller ?
Le parc voisin ne me tente guère – trop fréquenté. Il faudrait prendre le métro, ou même un électrichka*. Le temps nécessaire au trajet m’accable déjà, et je renonce.
Troïtse-Lykovo n’est pas si loin, pourtant ; à vol d’oiseau, peut-être cinq kilomètres. Là-bas, le long de la Moscova, les arbres sont nombreux et les habitants si discrets que parfois l’endroit semble désert.
C’est là qu’il vit. Que fait-il ? Il lit sans doute, écrit peut-être… Il entend le même vent, regarde les arbres de son parc.
La lumière du dehors l’appelle peut-être lui aussi à se promener un peu, dans l’allée, mais, à ce moment de la journée, il a moins d’énergie, et il reste derrière la fenêtre, dans un fauteuil un peu dur, à regarder, à écouter, avant de reposer les yeux sur son livre, sa feuille. Un article critique sur La roue rouge.
Il a quatre-vingt-sept ans. La vieillesse, la maladie, ralentissent ses gestes ; il ne peut plus faire tout ce qu’il y aurait à faire. Il écrit encore un peu, le matin. Il aime écouter la musique de Bach, celle de Schubert aussi.
Derrière les verres épais de ses lunettes, les yeux lisent encore, brillants et fragiles, ce que la main ridée écrit doucement. Au milieu du corps tombant en ruine, subsistent encore le souffle, la chaleur, la lumière, la pensée – la vie dans ses derniers éclats.
Je pourrais aller à Troïtse-Lykovo. Le métro n’y va pas, c’est un village paisible. Mais si l’on descend à la station Chtchoukinskaïa, un quartier d’immeubles en béton du Grand Moscou où la grisaille domine, il se trouve un bus qui va chez Soljénitsyne.
Je reprends ma lecture. Les travaux du colloque international consacré à l’écrivain, à l’époque de ses quatre-vingt-cinq ans, ont été publiés. Le livre s’ouvre sur des extraits du journal de bord de La Roue Rouge, tenu pendant trente ans. Régulièrement, des Œuvres complètes sortent alors que toute son œuvre n’est pas encore connue. C’est qu’elle comporte des milliers de pages !
Depuis sa jeunesse, il n’a cessé d’écrire, de prendre des notes. Sur l’histoire de son pays, sur son propre rôle dans cette histoire, et sur ses contemporains malmenés par elle. Même à la guerre, même en prison, au camp, malade ou en exil, il n’a cessé d’écrire.
Il n’y eut dans toute sa vie d’écrivain qu’une seule année de silence : 1945.

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques