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Les écrivains / adhérents

Olivia Profizi

Roman
photo Olivia Profizi

Je suis née en 1974 à Porto-Vecchio et je vis à Lille depuis une vingtaine d'années.
Après des études en animation socio-culturelle, je travaille pendant quelques années comme animatrice information jeunesse à Hellemmes, près de Lille, auprès d'adolescents et jeunes adultes en difficulté.

En 2007 je deviens professeur des écoles mais renonce au métier peu de temps après.
C'est à ce même moment que je commence à écrire. Je m'essaie à quelques poèmes qui voient le jour dans la revue web de poésie « Les états civils ».

En 2009, je lis « Infrarouge » de Nancy Huston. Ses mots font écho à ceux qui sommeillent en moi depuis longtemps. Je lui écris, et une correspondance commence, qui devient peu à peu une amitié. Un jour, je lui fais lire un texte d'une dizaine de page, dont, lui dis-je, « je ne sais que faire ». Nancy Huston m'encourage à continuer de l'écrire.

Ce texte deviendra mon premier roman, « Les Exigences ». Il paraît aux éditions Actes Sud en avril 2013.
Je travaille en ce moment sur un nouveau roman. Parallèllement, je me forme aux ateliers d'écriture avec la méthode de François Bon, et cherche à animer des ateliers pour un public jeune adulte et adulte, avec une orientation résolument autobiographique.

Les thèmes que j'aborde dans « Les exigences » sont : la reconstruction d'une femme après des violences subies, le regard porté sur les femmes dès l'enfance, la notion de choix...
Le texte est à deux voix : la jeune femme et l'homme par qui la violence est commise. L'un et l'autre livrent leur regard sur leur relation.

Bibliographie

– « Les Exigences », roman, Actes Sud, 2013

Extraits

« Les Exigences »
Extrait 1 (page 14 à 16)

Mercredi 24 novembre 2004

C’est le matin au pavillon « les glycines ». On frappe à la porte. « Mademoiselle ? » Voix criarde des hôpitaux. « C’est l’heure. Vous allez pouvoir faire votre toilette » Voilà, je suis en HP.

Ici, on nous parle comme à des bêtes. Troupeau de malades agglutinés derrière une porte, en attente du cachet, comme le chien de sa pâtée. « C’est pas la peine de rester là, hein, on vous préviendra quand ce sera prêt. »

Rêve de la nuit dernière : de la fenêtre de chez moi, je vois une femme et un homme sur la route. La femme est cagoulée de cuir et a de très longs cheveux noirs. L'homme n'est qu'une silhouette. Femme très longue. Son sexe est béant et immense, il la fend jusqu'à la poitrine. L'homme y engouffre ses bras. Au début, je crois voir un cheval mort qu'on dépèce.

Jeudi 25 novembre 2004

Je parviens à sortir de ma chambre ce matin. Je découvre ainsi qu’il y a, au fond du couloir, une salle pour les infirmières. Ça rigole là-dedans. Comme ça doit aussi garder l’œil sur les malades, la salle est entièrement vitrée comme un aquarium. Sans doute ont-elles appris à vivre leurs moments de répit et d’intimité ainsi, aux yeux de tous. J’entends l’une d’entre elles raconter son samedi soir, comment elle s’est fait draguer et comment elle a planté le mec sur le parking de la boîte, «il pensait qu’il pouvait m’avoir, comme ça, sans déconner, il me prenait pour qui ? » Ses collègues du même âge hochent la tête et balancent la mèche qui leur barre le front sur le côté, et les autres, plus âgées, se regardent entre elles, échangent un sourire pincé, la bouche tordue, et c’est à ce moment que j’entre dans la pièce, pieds nus, avec l’épaisse chemise de nuit tatouée « EPSM » puant la sueur, bras tendus devant moi, poings serrés, le visage déformé par une grimace d’excuse, je balbutie : « Je... J’ai… » Une grande infirmière rousse, la cinquantaine, vient à ma rencontre et attrape mes poignets, les examine rapidement, déclare : « Rien de méchant. On va soigner ça ».

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« Les Exigences »
Extrait 2 (page 9 à 11)

En route pour la baie de Somme. Tous les deux mois, je quitte mon bord de fleuve, mon refuge, et lorsque nous dépassons la ligne imaginaire qui sépare Les Rosiers-Sur-Loire du reste du monde, j’ai presque envie de pleurer. Il n’y a que Paris pour me faire bouger de cet endroit. Paris et mon père, finissant péniblement dans une maison de retraite du Crotoy. Quatre cent trente kilomètres pour faire rouler un vieillard jusqu’à un bord de mer qu’il ne regarde même pas. Le froid va nous ôter toute envie de faire la conversation, et je n’aurai de cesse de convaincre mon père de rentrer au chaud, prendre un thé plutôt que des paquets de vent hivernal puant la marée, et, comme toujours, j’aurai droit à la même réponse : « Je veux voir les phoques ». Oui, après que le cancer lui eut pris sa femme, mon père a brutalement décidé de s’installer dans cette baie de Somme triste à crever, pour voir les phoques. C’était un de ses anciens collègues (un instit devenu dément lui aussi, tiens) qui lui avait mis dans la tête que rien au monde n’était plus beau que cette vision, lorsque terre et mer se confondait en un millier de nuances de bleu mauve et que le soleil rasant venait saupoudrer tout ça comme dans un tableau, et, si tu restais assez longtemps, si tu savais être patient comme seul cet endroit pouvait te l’apprendre, alors tu les voyais apparaître au loin, se dandiner, se frotter les uns aux autres, et quand tu avais vu ça, mon vieux, eh bien tu pouvais mourir en paix. Seulement, il fallait savoir accepter les soirs où les phoques ne se montraient pas, rentrer chez toi sans haine, passer à autre chose jusqu’au soir suivant. Mon père savait faire ça. La solitude ne lui pesait pas, au contraire. Mes visites avaient toujours l’air de le surprendre, même si je le prévenais plusieurs jours avant. Peut-être qu’Alzheimer avait déjà commencé à creuser ses galeries dans les méninges du pauvre vieux. Il disait « Tiens ! » avec un grand sourire, et se levait pour me serrer dans ses bras. Affectueux. Tendre. « Comment va mon fils ? » Je ne comprends toujours pas comment ce père, distant et taciturne, veillant sur mes résultats scolaires comme un sergent sur la propreté des bottes de ses troupes, comment ce père est devenu papa, en devenant vieux. Ainsi ai-je pris tout le bon qu’il y avait à prendre et nous avons eu quelques années d’amitié apaisée avant que la maladie ne me l’enlève peu à peu, grignotant inexorablement ses souvenirs jusqu’à celui de mon existence.

Que te reste-t-il, Papa ? Sans doute plus grand-chose, car lorsque je dis que nous faisons la conversation, c’est surtout ma voix que l’on entend. Je parle peu, il ne faut pas m’en vouloir, Papa, ce n’est pas évident, tu ne me réponds pas. Ou alors par une espèce de bouillie inintelligible qui me tord le ventre. Tu me fous la trouille. Je ne veux pas finir comme toi, jamais. Crois-moi, au premier signe de cette saloperie je fais le grand saut. Qui me pleurera de toutes façons ? Toi, tu m’aurais pleuré, peut-être, avant. Mais aujourd’hui je suis libre de mourir quand bon me semble.

Ma bibliothèque

Nancy Huston - « Dolce Agonia », « Histoire d'Omaya », …
Carson Mc Cullers - « Frankie Addams »
Virginia Woolf – « Mrs Dalloway », « Orlando »
Sylvia Plath - « Ariel », « La cloche de détresse »
Lola Lafon - « Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s'annoncent »
Truman Capote - « De sang froid »
Vladimir Nabokov - « Lolita »
Mikaïl Boulgakov - « Récits d'un jeune médecin », « La garde blanche «
Colum McCann - « Et que le vaste monde poursuive sa course folle »
Sofi Oksanen - « Purge »
Carole Zalberg - « Feu pour feu »
Vladimir Arseniev - « Dersou Ouzala »
Ken Kesey - « Et quelques fois j'ai comme une grande idée »
Malcom Lowry - « Au dessous du volcan »
John Fante - « Demande à la poussière »
Annie Ernaux - « Les armoires vides »

Lieu de vie

Hauts-de-France, 59 - Nord

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