Contenu | Navigation | Politique d'accessibilité | Crédits Lettre internet

Les écrivains / adhérents

Danièle Séraphin

Roman / Essais / Récits
photo Danièle Séraphin

Danseuse et chorégraphe, Danièle Séraphin a fait ses études de danse à Paris, tout en poursuivant parallèlement un doctorat en Littérature… Jusqu’à ce qu’un beau matin, sa thèse en Philologie achevée (sur l’écrivain Colette), elle décidât finalement de ne pas la soutenir, la jetant à la poubelle afin d’être sûre de ne plus se consacrer qu’à l’écriture de romans… tout en continuant à être professeur de danse !
Fille d’instituteurs, elle a passé son enfance dans une école au milieu des champs, à l’orée de la vallée de l’Eure. Nature et paysages se retrouveront de fait au cœur de son univers créatif. Son travail d’écriture, qui privilégie l’élégance du style et des sentiments, se nourrit d’histoires de femmes, lignée familiale ou imaginaire, sur le thème de la filiation, de la vocation artistique et de la folie, du lien amoureux et du rapport au féminin.

Bibliographie

Romans
– La Murmurée - roman, Éditions Complicités, 1997 & 2003
– L'herbier des silences - récit, La Main Multiple, 1999 & 2002
– Bleu d'âme - roman, Éditions Complicités, 2000
– Un si vieil amour - roman, Éditions Complicités, 2005
– La confession des songes - roman, Éditions Complicités, 2009
– Constance - roman, Éditions Complicités, 2012

Essai
– Le Testaments des Ombres, Mise en Cène de Martin Luther par le peintre Pieter Coecke Van Aelst
Danièle Séraphin et Jacques Lauprêtre, Éditions Hermann, 2013, art flamand du XVIème siècle.

Extraits

Extrait de La confession des songes, roman, 2009 :

« Sur le sentier du phare, Richard courait. Devant lui étaient les formes émincées par le vent de Rose et de son enfant. Et parce qu’il avait bondi sur le quai, jetant son amarre à Gauthier, certains étaient ressortis de l’auberge afin de pouvoir mieux se gausser, la Rose, ah la Rose !, ce qu’elle en aura fait cavaler !
Sur la falaise Richard criait, Rose attends-moi, Rose pardonne-moi ! Il n’y avait plus d’âge ni de pudeur pour cet homme façonné par une vie de déceptions rentrées, une vie qui lui disait que c’était assez de dignités, d’arrangements prudents, que le temps n’était pas loin de mourir et de se lamenter de n’avoir pas couru ce jour-là sur le sentier du Raz. Aussi courait-il, propulsé par un désir d’embrasement qui ne viendrait peut-être pas, mais dont il n’avait d’ores et déjà plus à craindre le remords de s’y être un jour soustrait. Rose ! Rose ! L’air sifflait aux oreilles, et Rose n’entendait pas. Ou bien ne voulait-elle pas entendre. Il la rattrapa, Rose !, Rose !, Lucas s’écarta.
Ils furent alors mis l’un en face de l’autre.
Richard était essoufflé, elle seulement étonnée. Un vide irrésistible les séparait, duquel Rose était naturellement protégée par son fils, par la morale, par tout ce qui sur l’île, avait de tout temps inspiré sa rigueur. Richard qui lui ne souhaitait plus résister à quoi que ce fût, se saisit bientôt de la main de Rose, qu’il porta à son cœur, baisa, reporta à son cœur, avant de murmurer :
- Rose, c’est moi qui l’ai tué. Rose, Joseph est mort parce que je t’ai rappelée. Vingt ans après c’est moi qui t’ai rappelée. Oh Rose adorée, si tu savais combien je t’ai aimée ! Je voulais te revoir, te parler, j’ai pensé que peut-être après tant d’années, toi aussi tu aurais été libre. Tu vois, Rose chérie, c’est arrivé de l’avoir cru… C’est pour toi que je suis venu tu sais, dès que j’ai su, ce grand malheur vois-tu, il vient de moi. Je le savais, je le sentais, si je n’avais pas téléphoné, cette mort ne se serait pas produite. Tu vois, Rose, j’ai fini par le tuer. On ne se l’était jamais dit nous deux, mais le tuer, c’est de ça dont on rêvait autrefois toi et moi, pas vrai ? Oh, Rose, ma Rose des sables, si j’avais su ton amnésie, si j’avais pu savoir, si j’avais pu prévoir…
Dans le ravissement, elle lui avait laissé sa main et l’ovale de son visage tendu où étaler la crème de ces mots. De sens à cela, il n’y en avait pas. L’instant pour Rose n’était que velouté, extase et sucrerie de l’âme, ‘‘aimer, amour, Rose chérie, mon adorée ’’, elle se fichait bien de savoir d’où tout cela sortait. Cela sortait. Cela lui était apposé. Comme une touche de bonté dont parfois, miraculeusement, entre les deux yeux, l’existence signait le front de ceux qui s’étaient à elle désignés par leur insondable attente. Rose avait tant rêvé que cela lui fût un jour donné ! Le temps n’était pas loin pour elle non plus de mourir et de se lamenter de n’avoir jamais voulu baisser les paupières devant un baiser. Un homme était venu, qui repartirait, mais de celui-là elle aurait accepté le contact fugace et serein d’une passion. »


Extrait de Constance, roman, 2012 :

« La nuit s’approfondissait.
Le château peu à peu perdait ses noceurs, et jusque dans l’orangerie soufflait l’haleine intermittente et froide de sa cour d’honneur. Des phares de voitures s’allumaient. Balayaient successivement la façade, la verrière, le parc. Puis disparaissaient. Ils étaient seuls avec le génie folâtre des notes autour d’eux.
Elle dit :
— Cette musique vous voyez, elle est aussi avec eux…
Cette fois il ne monta pas les degrés des escaliers avec elle, il ne la suivit pas le long des corridors ouatés par la musique de Bach, jusqu’à la suite Lady Chatterley. Il lui prit le visage. Dans un besoin subit de la toucher, il lui prit la figure à pleines mains, il erra tout entier entre sa bouche et ses yeux, et disait :
— J’ai le désir de vous, et de vous faire l’amour…
Pour le remercier de sa miséricorde, elle lui toucha la joue avant de se recoucher. Il la relevait.
— Vraiment, insistait-il, j’ai le désir de vous et de vous faire l’amour, et nous allons monter, et je vais réveiller mon second pour me remplacer, et nous irons dans ma chambre et je vous porterai sur mon lit, et dans mon désir je vous porterai jusqu’à l’oubli…
Ce qu’il y avait dans cette proposition d’infinie délicatesse et d’autorité, la dame le recevait enfin comme une révérence. Ses yeux se fermaient un peu, son front se défroissait, un baiser qu’elle ne donnait pas s’allongeait sur ses lèvres, elle berçait ce mirage, le mirage d’allier sa chair vieillie à celle de cet être jeune et frais… Sentir un autre plaisir que celui du mari s’incruster dans son ventre, entrelacer ses jambes à des jouissances illégitimes, manquer à son couple dans le même temps que l’autre y manquait, ne serait-ce pas à soi-même se faire réparation ? Elle était tentée, de recevoir ce don, cette compensation. Tentée d’être à son tour donnée à un homme, pour effacer l’injure faite à la femme trompée qu’elle était. Elle s’étendait par avance dans cette revanche, ce renversement, déjà elle gonflait du ravissement de sa féminité restituée, elle était comme reconstruite, déjà, au sein de ce désir qui s’offrait…
C’était à ces choses qu’elle pensait, tandis que sa bouche s’abaissait sur la poitrine de son chevalier servant. Elle avait poussé le pan de la redingote cette fois, et de peau à peau il n’y eut de séparation qu’une blanche chemise de coton. Elle brûlait à ce contact. Elle en fut pénétrée, envahie, ravivée. Elle ceinturait au ventre une folie qui prenait corps entre ses bras, sans bouger, sans décider, la joue bouillante elle jouissait de l’en-deçà du passage à l’acte, elle touchait au fantasme sensuel et se sentait changée par lui. Car il ouvrait une voie d’eau dans la douleur, qui s’en trouvait coulée.
Sans sa réponse, le jeune homme ne pressa rien. Ne prit rien. Avec elle il laissa s’étirer le choix de s’accorder, ou non. Les armatures de la serre craquaient. La nuit au dehors pesait. Les doigts papillonnants de Gould continuaient d’envoûter l’artificielle forêt. Et l’invisible musicien qui faisait corps avec la musique de Bach, arcbouté sur son prodige faisait à l’oreille danser le rythme dément de la possession. Sur le banc de fonte les amants qu’ils n’étaient pas, épousaient cet enlacement. »

Lieu de vie

Auvergne-Rhône-Alpes, 74 - Haute Savoie

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire