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Les écrivains / adhérents

Gérard Gantet

Poésie / Roman / Nouvelle
photo Gérard Gantet

Né en 1950, à Viviers, en Ardèche, j’ai quatre enfants. Consultant en Ressources humaines, je réside depuis peu à Valence.
Passionné d’ornithologie, des corvidés en particulier, je m’adonne volontiers, dans les Hautes-Alpes, à l’observation des rares couples du Grand corbeau, corvus corax, dont les acrobaties nuptiales sont aussi insensées que périlleuses. Servi par son envergure, – 1m60, la plus ample du règne des passereaux ! –, il n’hésite pas à braver l’aigle royal, le forçant à trouver sa fuite dans les hauteurs. Pour avoir, durant des siècles, hanté nos champs de bataille, il est devenu un fin connaisseur de l’homme, au point qu’il ne passe jamais à sa verticale ! Hauts-perchés et rauques, ses cris bissent le vocable croak, à moins que d’un seigneurial et guttural gkâk-gkâk, il ne semble toquer aux abruptes parois surplombant les pierriers.
Je soutiens le programme ‘Plant for the Planet’, lancé en 2006 à Nairobi par le Programme des Nations-Unies pour l’Environnement, avec pour objectif la plantation de six milliards d’arbres de par le monde.

Bibliographie

– Les Hauts cris, Orizons éditeur, 2008. Roman

– Collection Bouche-à-oreille, Voix d’encre éditeur, ouvrage collectif de nouvelles et poésies. Chaque texte est illustré par un artiste ou un photographe. Mes textes sont :
– Le toucan, in Drôles d’oiseaux, 2004.
– Chats perchés, in Hauts les Arbres ! 2005
– La nuit détend, in Le temps disent-ils, 2006
– Gabelle et autres pincées de sel, in La cuisine par mets et par mots, 2007
– L’appât, le scion, in Les passions, 2008
– Petit bestiaire itinérant, in Voyages dans le voyage, 2009

– Mort et transfiguration pour la jeune fille étrangère, Belfond, 1986. Roman

Extraits

Les hauts cris, 2008

Jamais vous n’éprouverez, vous autres bimanes, cette sensation féerique : quitter son roc et s’élancer au vide, sentir ses pattes flotter au milieu de l’espace, vibrer comme la flèche décochée. Tout simplement, fendre l’air, voler de ses propres ailes. Quant à moi, le ciel m’appartient et le simple survol du monde me procure mon lot de sensations extrêmes. Mais aussi, j’ai tant appris en survolant les choses. Celui qui vole, vole des images inédites du monde, viole tous ses secrets, car le vol le maintient au-dessus des brumes de l’illusion. Observer les créatures de haut les décape du mensonge et du faux-semblant, leurs gestes deviennent le reflet concret de leurs intentions, ce sont ceux du bien ou du mal.
Mon vol même était une ivresse. Inlassable narcisse que j’étais, je plaçais le soleil dans mon dos de façon que mon ombre me précédât. Quel plaisir de la voir onduler sur les tuiles des toits, se jouer des grillages des poulaillers, jeter l’effroi parmi les barboteurs des mares, rudoyer la sieste des chiens et lancer ces aboyeurs à mes trousses, fuser à travers champs qu’elle moissonnait de sa faux, à moins que de sa pointe elle ne préférât perforer les ballots de foin, que de la fourche de ses serres elle ne s’amusât à éparpiller les paillers.
Qui ne se laisserait griser par la sensation de puissance que confèrent, sitôt qu’elles battent à l’unisson, ces deux ailes qui se croient infrangibles : innocence et jeunesse ?

Bondée, l’adjectif n’est pas exagéré pour décrire la salle d’attente. Sa porte demeurant ouverte de jour comme de nuit, elle admettait, en sus des patients innombrables qui s’y pressaient, une meute de chiens craintifs, étonnés de ne point retrouver trace de leur maître, un zébu cachectique et ronchon qui estimait avoir assez roulé sa bosse et mériter une vieillesse qui ne soit pas un nouveau fardeau, deux chèvres et une ânesse qui ne quittaient plus l’endroit depuis qu’un interne n’avait rien trouvé de mieux que de leur donner à croquer un trognon de carotte, des équipages de mouches bleues se rendant insupportables à force de passer leur temps à troquer de place et à changer d’hôte et, pour finir, des légions de geckos, heureusement transparents et muets, qui avaient de surcroît, grâce aux lamelles adhésives qui tapissent subtilement le dessous de leurs pattes, le bon goût de s’installer au plafond où ils gênaient le moins du monde.
Pour ma part, j’avais élu domicile sur le mur de façade, dans l’ouverture d’un œil-de-bœuf qui donnait à l’intérieur du vestibule, point de vue idéal pour voir débarquer le flot continuel des malades. Sur la piste ocreuse, ils avançaient d’un pas de tortue, éreintés qu’ils étaient par le trajet accompli sous la morsure atroce du soleil et dans l’étouffement de la poussière. La brousse les regardait passer avec un mépris coléreux, posant sur eux les prunelles farouches que braque un fauve lancé sur une proie qui le devance de quelques mètres encore.

Je dois rendre justice à Jacquot ; dès que je lui eus appris à apponter directement sur une branche, il se plia aux procédures d’approche conventionnelles et cessa de me tomber sur le paletot. Je n’avais plus au-dessus du crâne la menace permanente de son alpenstock. Avec sa régulière il en fut autrement. Impossible d’obtenir d’elle qu’elle modifie ses habitudes. Elle continua de me visiter en débarquant par le haut. Je ne sais si c’est à cause de son strabisme, qui avait tendance à la faire obliquer, mais elle avait le chic pour se laisser choir sur moi. Où a-t-elle appris qu’on accoste les mâles sens dessus dessous, en donnant toute publicité à ses fesses et en se montrant aussi prompte à être culbutée ? Comment réagirais-tu si ta voisine du dessus se laissait ainsi couler depuis son balcon, si elle ne t’abordait autrement que tête-bêche ? Les évolutions renversantes de cette perruche commencèrent de m’éperonner durement. Mets-toi à ma place, sitôt qu’il s’agissait de tailler une bavette, cette pipelette optait pour un 69, elle me postillonnait sur le bouton et me présentait son gentil coquelicot. On a beau être gentleman, c’est too much.
Il ne sera pas dit que j’ai agi en traître. À vingt reprises au moins, j’ai adressé à son Jules une mise en garde des plus courtoises. Va donc répéter les choses à un perroquet… Tant et si bien qu’un matin où elle se montra outrageusement culottée, je la mis en demeure de rectifier la position et comme elle tarda à obtempérer, je l’arrachai à ses agrès et lui infligeai sur-le-champ un programme complet d’exercices au sol, figures libres et imposées, prenant soin de lester de tout mon poids ce croupion insolent qui m’avait tant nargué. Bien que désarçonnée, cette trapéziste trouva le moyen de se retrouver cul par-dessus tête : elle avait pris mon pied.

Lieu de vie

Auvergne-Rhône-Alpes, 26 - Drôme

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Ateliers d'écriture en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu universitaire