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Les écrivains / adhérents

Anne et Laurent Champs-Massart

Poésie / Roman / Nouvelle / Essais / Récits
photo Anne et Laurent Champs-Massart

Anne & Laurent Champs-Massart se sont rencontrés en 2006 (An Zéro pour eux). Ils développent immédiatement l'écriture à quatre mains. Le couple quitte la France et passe une année à Berlin pour y suivre le module de traduction à la Humboldt Universität.
En 2007, désirant ouvrir une librairie francophone à Bangkok, le couple s’en va en Asie. L’affaire capote, laissant les auteurs au cœur du monde, libres d’assouvir tant leur envie d’écrire ensemble que leur curiosité. En trois années, ils traversent l'Asie d'est en ouest, jusqu'au Proche-Orient, périple asiatique qui fournira la matière de Libraires envolés, Bangkok-Damas (éd. La Bibliothèque, 2020).
Dès leur arrivée en Asie centrale, ils se passionnent pour l’histoire de cette région, qu’ils étudient en Ouzbékistan, à l’IFEAC. À l’endroit même de l’intrigue, ils écrivent un roman sur les Routes de la soie à une période historique charnière : le VIIIème siècle. Ce texte, Mille et dix mille pas, innervé par leurs recherches, est directement inspiré des paysages traversés et des ruines explorées (Vibration éditions, 2019).
En hiver 2010, les auteurs arrivent en Egypte où ils sont les témoins directs du Printemps arabe. Emportés par l'absolu du voyage, ils gagnent l'Abyssinie, le monde swahili, le bassin du Congo, le Sahel, où leur route est déviée par la guerre du Mali. Ce périple africain donnera lieu à Précis d'errance floue, Le Caire-Dakar (éd. La Bibliothèque, 2021).
Arrivés au Sénégal, Anne & Laurent Champs-Massart se tournent alors vers le continent américain qu'ils parcourent dans son intégralité. Au Brésil, à Cuba, ainsi qu’en Haïti, ils étudient les religions afro-américaines qu'ils mettent en regard avec les animismes rencontrés en Afrique. Parvenus au Mexique, ils s'éprennent de ce pays et se sédentarisent dans la ville de Oaxaca. Le volet américain referme cette trilogie du voyage : c'est Chemin des dernières fêtes, Rio-Oaxaca< (Éd. La Bibliothèque, 2022).
Au gré de cette errance ininterrompue qui dura 13 ans, les auteurs ont disséminé pas mal de choses : des caisses de livres, des poèmes et des amitiés, un jardin suspendu, des voix et des regards un peu partout, des rêves dans les bus, une soixantaine de carnets tachés.
Depuis 2019, date de leur retour en France, ils poursuivent leur démarche artistique, centrée sur l'écriture en duo et la connaissance du monde.
En 2023 est publié Lille, braderie (éd. Cours Toujours), qui s'inscrit dans la continuité de la démarche : découverte d'un lieu, enquête de terrain, expérience sensible sur laquelle a germé l'écriture.

Bibliographie

Mille et dix mille pas, Tome 1, Samarcande aux pêches d’or, Vibration éditions, 2019, roman historique
Mille et dix mille pas, Tome 2, La Nuit des trois califes, Vibration éditions, 2019, roman historique
Libraires envolés, Bangkok-Damas, éditions La Bibliothèque, collection l'Écrivain Voyageur, illustrations de Véronique Aurégan-Poulain, 2020
Précis d'errance floue, Le Caire-Dakar, éditions La Bibliothèque, collection l'Écrivain Voyageur, illustrations de Grégoire Louis, 2021
Chemin des dernières fêtes, Rio-Oaxaca, éditions La Bibliothèque, collection l'Écrivain Voyageur, illustrations Thomas Beulaguet, 2022
Lille, braderie. Éditions Cours Toujours, collection la Vie rêvée des choses, 2023. Roman.

Extraits

Lille, braderie (éd. Cours toujours, 2023)

« Ça s’enchaînait, la camionnette était garée, bien serrée contre un poteau pour gagner de l’espace; – trop serrée, de sorte qu’à la place du mort, Séléné dut se contorsionner pour sortir. Elles étalèrent par terre des bâches ; et tout trimbaler encore une fois, décharger les affaires, après les avoir chargées au matin même, dans un mélange de ras-le-bol et de longanimité. Marie-Louise songeait à la série d’étapes qui la séparaient du soir, toutes fastidieuses. Elle plongeait ses bras dans la camionnette, pour extraire des chaises, qu’elle disposa au hasard sur les bâches. Elle plaça dessus une essoreuse à salade, un carton plein à ras bord, ce qui lui venait sous la main. Elle n’avait jamais réfléchi, ni Séléné d’ailleurs, à la façon dont elles agenceraient leur stand : tout s’était goupillé dans l’urgence, ou mieux: dans une espèce de caprice longtemps couvé, exécuté soudain. Peu importait d’ailleurs la disposition du bazar, tant qu’elles arrivaient à faire place nette. Se débarrasser de tout; au grand jamais ne plus voir ces objets douloureux. Bazarder le bazar – tout! – de ces vestiges fatigants, ces bibelots, ces meubles, ces nippes. »


Chemin des dernières fêtes, Rio-Oaxaca, La Bibliothèque, 2022

« Hôte : — Donc, comme je vous disais, c’est fermé. J’ai un soucis de famille. Je vais à Montevideo. Mais d’où arrivez-vous, comme ça, tout mouillés ?…
Justement, de Montevideo, où l’on avait séjourné quelques semaines, le temps de parcourir les librairies, qu’on dit les meilleures du continent, à bon droit, la capitale uruguayenne ayant tout d’un incubateur à causeurs, à lecteurs, à poètes, — dont trois des nôtres, pour mémoire, sont nés là-bas, Supervielle, Laforgue, Lautréamont, tous trois portraiturés, — même Lautréamont, — dans une des librairies du centre, un bel établissement où les habitués, qui se réunissaient chaque samedi, bavardaient dans un français tout pur.
Hôte : — Et avant Montevideo ?
De Buenos Aires. En coup de vent.
Hôte : — Et avant Buenos Aires ?
Elle montrait de l’intérêt.
De Córdoba, dans le nord de l’Argentine. Dommage, les monuments ont été un peu trop restaurés.
Hôte : — Et avant ?
Des missions jésuites. Les reducciones, comme elles s’appellent. Ceux qui ont peint l’intérieur des églises y ont mis la nature où ils avaient jusque là vécu. Et avant, du Paraguay, une étape d’un mois, dans une chambre en sous-sol, traversée de musique chamamé, diffusée par un homme invisible. Le jus de fleurs servi sur des glaçons dans le parc où se réunissait le club d’échecs… Et avant ? D’Iguaçu, non loin des chutes, côté brésilien. Très bons hôpitaux.
Hôte : — Et avant ?
Mais on n’allait pas jouer à ça toute la nuit. Bouno le premier s’impatientait dans la cuisine. Il fallait parvenir à un accord, réussir à se faire louer une chambre ici, bien que ce fût fermé... »


Précis d'errance floue, Le Caire-Dakar, La Bibliothèque, 2021

« La République centrafricaine était à dix kilomètres… Piti parlait des Pygmées. Il les connaissait bien, il s’arrêtait parfois dans leurs villages pour leur acheter des choses et leur demander des services.
Manioc, igname, taro, bananes, voilà pour les choses.
Désenvoûtement, sortilèges, talismans, filtres, voilà pour les services.
Les Pygmées connaissaient le secret des plantes, disait Piti. Mais surtout, ils étaient capables de se métamorphoser à leur guise. Piti raconta tout une foule d’histoires ; certainement, les Pygmées étaient des hommes, mais puisqu’ils étaient tout petits, ils étaient à la charnière entre l’homme et l’animal. D’ailleurs les bêtes n’avaient pas peur d’eux, les Pygmées savaient communiquer avec les fauves et les oiseaux. Ils pouvaient se changer en abeilles, en pythons ; ils savaient appeler les éléphants, les faire venir pour les tuer. Les sorcières normales pouvaient elles aussi se changer en chimpanzés lorsqu’elles le souhaitaient ; mais les Pygmées, eux, connaissaient vraiment l’art de la métamorphose. Ils se métamorphosaient tellement que lorsqu’ils parlaient, on ne comprenait pas ce qu’ils disaient ; ils passaient d’une idée à une autre sans lien, par travestissement perpétuel et bonds immenses, maîtres en l’art du méconnaissable. Il ne fallait pas blaguer avec les Pygmées, ni avec les sorciers, ni avec les gens de la forêt. Car les Pygmées voyaient des choses qui ne se voyaient pas ; et l’invisible, en Afrique, a plus de poids que le visible. »

Libraires envolés, Bangkok-Damas, La Bibliothèque, 2020
« La route passe aussi devant le zoo municipal, une attraction incongrue à Kaboul, mais qui existe, dont la vedette a longtemps été un lion, né à Cologne à la fin des années 70, une bête sourde, aveugle, à moitié handicapée, et ayant perdu toutes ses dents. Ce lion devait son piteux état à l’explosion de trois grenades. Les projectiles lui furent lancés en 1995, en représailles, par un individu qui voulait venger son frère, qui avait fait le pari qu’il descendrait dans la fosse, et qui s’y était fait disséquer. Le fameux lion, qui s’appelait Marwan, n’eut pas la satisfaction de voir ni d’entendre, puisqu’il était devenu aveugle et sourd, que le lanceur de grenades, quoiqu’heureux d’avoir accompli sa vengeance, se fit bientôt attraper, et rouer de coups jusqu’à ce que mort s’ensuive par la population de Kaboul, indignée de toute cette violence faite au félin.
Quoi qu’il en soit, Marwan a fini par mourir, mais l’incroyable, c’est qu’il est mort de vieillesse. Pour lui qui témoigna de l’invasion soviétique et de la guerre civile, qui sentit l’haleine de toutes sortes de bombardements et passa au travers des Talibans, quoique ceux-là eussent tôt ou tard trouvé une allusion contre les lions dans le Coran, et qui essuya trois grenades à mains, c’était effectivement la plus extraordinaire façon qu’il y avait de mourir, ce qu’il fit en 2005. Il était si célèbre, il fut si regretté, que les Kaboulis lui érigèrent une statue dans l’allée principale du zoo.
Apprenons en outre que lors de notre passage, le zoo de Kaboul abritait l’unique porc d’Afghanistan, offert en 2002 par la Chine. Son nom est Kanzir, ce qui en arabe veut dire : porc. Jusqu’ici, Porc n’a pas été lapidé et n’a essuyé aucun jet d’explosifs. »

Mille et dix mille pas, Tome 1, Samarcande aux pêches d’or, Vibration éditions, 2019
« Les femmes offrirent très respectueusement une large part de viande au gam, assis dans un coin de la hutte silencieusement. Lui seul, en tant que shaman, pouvait entreprendre quelque chose contre l’odieuse déesse Al, qui possédait soixante-dix seins, si flétris et ignobles qu’elle devait les rejeter par-dessus son épaule pour libérer ses mouvements et pouvoir commettre ses détestables actions. Al aime appuyer sur la poitrine des femmes grosses, ce qui leur coupe le souffle et les entraîne vers la mort. Il arrive parfois qu’elle arrache les poumons des mères et des enfants, et qu’elle jette les organes dans un lac pour ôter tout espoir d’aller les récupérer. Ses mains sont si grandes, que chacune d’elles peut étrangler une gorge, et si crochues que deux hommes ne peuvent lui faire lâcher ce qu’elle tient. Tout Kirghiz sait qu’Oumay elle-même ne se risque point à passer sur l’ombre d’Al.»

Ma bibliothèque

Anders, Mutis, Villon, Kafka, Plotin, Augiéras, Kopenawa.

Lieu de vie

Bretagne, 22 - Côtes-d'Armor

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