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Les écrivains / adhérents

Isabelle Desesquelles

Roman / Jeunesse / Récits
photo Isabelle Desesquelles

Enfant, la littérature m'est apparue tel un serment que l'on se fait. Plein de tous les livres aimés, lus, relus.
Lectrice puis libraire, j’écrivais déjà, je ne le savais pas. Des années dans ma tête, des années à me raconter des histoires, jusqu’au jour où les livres des autres n’ont pas suffi. Les éclaireurs qu’ils sont m’ont laissée seule dans une clairière plantée de mots. A moi d'en faire une forêt !
J’ai trente-sept ans et paraît Je me souviens de tout. Une douzaine d'années après, il y a des romans, il y a trois album de contes pour enfants, deux récits littéraires qui dit tout de cette foudre des livres à moi, surtout, il y a les prochains textes que j’abrite et plus encore, ils m’abritent.
Je tente d’écrire un silence, loin du bruit du monde, empreint de désenchantement et d'une allégresse.
Et toujours ils sont là, Charles Baudelaire, Clarice Lispector, Stendhal, Jack London, Scott Fitzgerald et les sœurs Bronté, le commencement.

Bibliographie

– Je me souviens de tout, Julliard, 2004 + Editions Pocket, 2004
– la vie magicienne, Julliard, 2005 + Editions Pocket, 2005
– le chameau le plus rapide du désert, Le Chêne Jeunesse, 2006
– La mer l’emportera, Flammarion 2007 + Editions J’ai Lu, 2007
– Quelques heures de fièvre, Flammarion, 2009
– Fahrenheit 2010, Stock, 2010
– Un homme perdu, Naïve, 2012
– Le fennec amoureux de la pastèque, Marmaille et Compagnie, 2015
– La poule portée par la foule, Marmaille et Compagnie, 2015
– Les âmes et les enfants d'abord, Belfond 2016
– Les hommes meurent, les femmes vieillissent, Belfond 2014 + Editions Pocket 2017
– Un jour on fera l'amour, Belfond 2017

Extraits

1er extrait : "Fahrenheit 2010"
Tu marches sous les arbres, la terre est tellement froide. Le givre bienvenu avec la nuit prend chaque feuille dans un corset translucide. Tu touches la gangue lisse et glacée, si mince, une pression, et elle explose. Et la feuille intacte dedans devient poussière. Où que tes yeux se portent, la vulnérabilité affleure. Les arbres nus, les ronces frileuses, des fougères rampantes, le sol tel une cendre végétale sous tes pas.
Tu veux revenir à cet instant où les mots ont surgi pour livrer combat, où ils t’ont envahi, te rendant à toi-même. Une femme vulnérable à l’amour. On est vulnérable quand on est amoureux. On perd l’appétit, le sommeil obsédé par un autre que soi, envahi. On est vulnérable quand la machine à broyer entre dans votre vie. L’affliction vous crucifie, une nervosité rampante aussi.
Hier soir, avant de quitter pour de bon la librairie, tu as fait l’obscurité. Un à un, les livres ont été plongé dans les ténèbres et leur présence s’en est accrue encore. Tu ne bougeais pas, tu leur disais au revoir dans le noir. Sans un mot, tu leur disais de prendre soin d’eux, de te garder avec eux, de ne pas t’oublier tout à fait. Tu voudras renifler cette odeur, quand les premières années tu te précipitais à la librairie, poussée hors de ton lit pour arriver la première et respirer les livres préservés de toute présence. les livres serrés les uns contre les autres, et toi, tout contre, qui n’a de cesse de les toucher, les prendre, les reposer, les retourner, les ouvrir, t’en emparer. Toi qui gardes toujours un oeil sur eux et n’en finis pas de les remercier d’exister.
Le froid est vif, tu gardes les mains dans les poches, le ciel derrière les arbres t’appelle, tu presses le pas, tu ne sais pas où tu vas, tu pourrais te perdre. Seulement, au-dessus du froid, au-dessus de l’isolement et de ton errance, une petite voix te dit « Je n’ai pas peur.»


2ème extrait : "Un homme perdu"
Je serai cet homme sans enfant, sans revenus. Qui ne fera pas l’amour avec une femme, ne conduira pas, ne votera pas. Selon les heures, maître de ma vie ou saboteur. Il faudrait n’attendre rien.
Quand je voyais, il n’y a pas longtemps, les gosses faire la course dans l’avenue, je me sentais déjà vieux. Je ne veux plus regarder ce qui me manquera toujours. J’écoutais leurs cris, leurs encouragements, la joie enfantine de qui l’emporte sous les yeux de ses camarades, l’obligation d’être le premier. Je prenais ma part à leur triomphe, j’avais même mon champion, j’applaudissais mais sans bruit.
Je n’arrive plus à dormir à côté d’elle, je retourne sur mon toit quand tout le monde dort. J’attends qu’une étoile s’enfuie du firmament, j’observe la flammèche griffant le ciel. Une étoile s’éteint et avec elle, un petit garçon, chaque fois un peu plus retranché dans son passé. Je m’allonge sur les tuiles chaudes comme dans un berceau que je n’ai pas connu, recherchant un repos plus ancien. Je respire mieux couché dans le ciel.
Essayez, vous, de ne rien vouloir, sans basculer dans un vide mouvant plein de nuages. Essayer d’oublier le temps, tout le temps. De ne plus vous arrêter au jour ou à la nuit, quand les heures paraissent interminables.
Les fois où la lune est si ronde que les étoiles pâlissent, je regarde les arbres de notre avenue. Sans réelle majesté, trop proches du goudron mais avec un tronc tout de même, une écorce. Je la leur envie. Des milliers les caressent sans parvenir à les user, des milliers s’y appuient sans qu’ils vacillent. Il m’arrive de passer des nuits à suivre les feuilles chassées par le vent. Des feuilles de toutes sortes, séchées par le temps, bondissantes. Elles roulent et se figent, elles roulent encore, et pas un bleu, pas une bosse. Après des heures à être tournées, retournées, jetées là, elles sont indemnes, bousculées sans paraître être touchées. Elles m’ont donné l’envie d’être l’une d’elles. Je reste au bord du monde.
Ce doit être mes jambes, n’est-ce pas, qui me poussent dans l’escalier. Elles, encore, qui ont descendu un étage puis un deuxième sans songer à s’arrêter, et qui m’auront conduit au premier. Un chien reniflant une piste. Est-ce d’avoir frotté les marches année après année, et lessivé les murs? L’odeur de petite maman est partout. Chacun de mes pas appuie sur un garçon sans nom, appuie jusqu’à écraser. En descendant cet escalier, je me chasse de ma propre vie.
On me demandera d’essayer d’être heureux. C’est possible ça, essayer d’être heureux? Je ne pense pas. On essaye de vivre surtout.

Lieu de vie

Occitanie, 31 - Haute-Garonne

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Ateliers / rencontres autres publics
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire