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Les écrivains / adhérents

Jean-Baptiste Destremau

Roman / Nouvelle
photo Jean-Baptiste Destremau

Jean-Baptiste Destremau est né à Rabat en 1968.
Romancier, pianiste amateur, ingénieur de formation, il a vécu plusieurs années en Asie et exercé le métier de trader et d'ingénieur financier avant de se consacrer à l’écriture.

Bibliographie

Nouvelles
– Retour aux sources, Taille Réelle (1991)
– Les trois voyelles, L'encrier renversé (1994)

Romans
– Sonate de l’assassin, Éditions Max Milo (2009), J’ai Lu (2010)
Prix festival du premier roman Chambéry 2010
Traductions : Italie, Taiwan, Chine populaire
Adaptation France Culture en 2 épisodes (diffusion avril-mai 2012)
– Si par hasard, Éditions Max Milo (2010), J’ai Lu (2013)
Adaptation cinématographique (Bonne Pioche Cinéma, 2014)
– Autopsie d’un rêveur, Éditions Max Milo, 2014

Extraits

– Sonate de l’assassin
Je ne tue jamais le lundi.
C’est une question d’exigence personnelle et de rythme. Il ne faut y voir ni superstition, ni vieille habitude de célibataire. J’ai toujours préféré les fins de semaines pour réaliser cette partie de mon œuvre.
Ma vie est réglée comme une partition.
Le lundi, je travaille à la maison.
À la maison, tout est propre et rangé. J’y veille personnellement, je fais le ménage moi-même, et ce n’est pas une question d’argent, mais de principe : il n’est pas envisageable de laisser quiconque voir mon linge sale, mes brouillons dans les corbeilles, toutes les imperfections que mon corps laisse partir, et qui terminent en poussière. Je suis parfois un peu maniaque pour l’ordre et la propreté.
J’ai tout arrangé moi-même, dans cet hôtel particulier de la rue Pergolèse, fruit des cachets généreux accumulés ces dernières années. Les pièces sont rangées, on n’y trouve rien d’inutile à mes yeux. La pièce d’études, une grande salle d’une cinquantaine de mètres carrés, est entourée de grands miroirs, sans sofa ni fauteuils. S’y trouvent un Yamaha 1980 demi-queue, une épinette et un clavecin que j’ai personnellement assemblés, ainsi qu’un petit orgue. C’est une pièce de travail où n’entrent que mes élèves ou des musiciens étrangers qu’il m’arrive parfois d’héberger. De l’autre côté de l’entrée se trouve la salle de séjour, qui contient un grand piano, un Steinway modèle B, sur une estrade où siègent quelques lutrins.

– Si par hasard
La voiture roulait le long des serpents de bitume chauffés par le soleil de l’Arizona. De temps en temps, un mirage apparaissait le long de la route et provoquait une exclamation bruyante du père qui conduisait gaiement, reprise avec une moue de curiosité par la mère affairée à lire son guide touristique, tandis que les adolescents, à l’arrière du véhicule, émettaient des borborygmes d’approbation sans lever la tête, désintéressés par principe.
Dans cet enfer du mois d’août, la torpeur saisissait tous les êtres. Hommes et bêtes recherchaient l’ombre rare des buissons. Leur transpiration, évaporée avant même d’atteindre les couches supérieures de l’épiderme, n’empêchait pas les peaux de brûler au soleil. Les précieuses gouttes de salive sécrétées au creux des gueules de tous acabits étaient, sitôt expirées, projetées en une vapeur incapable de soulager la sécheresse des lèvres et le gonflement des langues. Survivre était une épreuve de chaque instant, les regards se voilaient d’un limbe brumeux qui éteignait leur flamme, les membres s’affaissaient dans la position la plus propice à offrir à leurs muscles un repos provisoire, les pas étaient lents, l’air tremblait, poussé par un vent qui desséchait tout sur son passage. En dehors des véhicules qui sillonnaient les routes d’asphalte chauffées à blanc, de quelques touristes avides d’extrême qui randonnaient en suant plus d’eau qu’ils ne pouvaient en porter, le désert appartenait à la multitude silencieuse des insectes, lézards et autres animaux invisibles. Les mammifères avaient rejoint pour la journée les hauteurs plus clémentes des collines, et l’ombre des canyons au creux desquels ils savaient trouver l’humidité cachée. (...)

– Autopsie d’un rêveur
Du plus loin qu’il s’en souvienne, Pierre Morel avait toujours été un rêveur d’exception.
Il avait la faculté de se remémorer les songes de la nuit dès le matin en toute circonstance. Rêveur à l’imagination foisonnante, cette particularité procurait depuis de nombreuses années à sa vie trop convenue une échappatoire précieuse. Il repassait le film de ses rêves comme on lit un roman et en retirait des satisfactions coupables qui lui permettaient souvent d’oublier la monotonie de son existence, les railleries de ses collègues et l’ennui des transports en commun. Il ne se passait pas un jour sans qu’il ne plongeât dans la douceur de ces souvenirs éphémères. Chaque occasion était bonne : une réunion ennuyeuse, une réprimande de son chef, une scène de ménage, et il fuyait en fermant à moitié les paupières, pour revivre avec délices l’aventure de la nuit. Ébats amoureux, actes héroïques, grandeur guerrière, exploits sportifs… Rien ne lui était interdit lorsqu’il rêvait, comme si les tabous de son existence eussent été abolis, et ses propres limites repoussées à l’infini.

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques