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Les écrivains / adhérents

Jean Luc Cattacin

Roman / Essais
photo Jean Luc Cattacin

Né en 1962 en banlieue parisienne, Jean Luc Cattacin enseigne l’anglais à Paris. Il est l’auteur d’un essai publié chez Vendémiaire en 2016 : Les Libérateurs de l’Irlande, dans lequel il retrace, des origines à nos jours, l’histoire de la lutte menée par le peuple irlandais pour obtenir son indépendance. Son premier roman, À travers ciel, vignettes éparses d’une enfance éblouie dans les champs, les forêts, les rivières, a paru chez Phébus en 2016 et reçu le Prix littéraire des lycéens et apprentis d’Île-de-France. Iles flottantes, son second roman, également paru chez Phébus l’année suivante, chronique les découvertes et les ivresses, sensorielles et sensuelles, de deux adolescents livrés à eux-mêmes un été au bord de l'océan.

Bibliographie

– Les Libérateurs de l’Irlande, Vendémiaire, 2016
– À travers ciel, Phébus, 2016
– Îles flottantes, Phébus, 2017

Extraits

Car l’Irlande a toujours résisté à l’Angleterre, et ne s’est jamais laissé prendre tout à fait par elle. Si le peuple a rarement été unanime dans la lutte, rares aussi ont été les périodes de l’Histoire au cours desquelles il n’y a pas eu une voix irlandaise pour s’élever contre la mainmise britannique sur le pays. Dès que le pouvoir anglais a été établi en Irlande certains Irlandais, parfois nombreux, parfois seulement une poignée, n’ont eu de cesse qu’il ne soit renversé. Cette révolution a finalement eu lieu au début du XXe siècle et s’est concrétisée en décembre 1922, lorsqu’après plusieurs années d'insurrection et de longs mois de pourparlers entre Londres et les négociateurs du Dáil, le Parlement révolutionnaire irlandais, l'État libre d’Irlande est né sur la partie Sud du territoire, le Nord, largement peuplé de colons installés par les Anglais, ayant choisi de ne pas en faire partie. Le pouvoir britannique en Irlande a néanmoins été, pour l’essentiel, renversé, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande né en 1800 s’est réduit au Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord qu'il est toujours aujourd'hui. Ce qui est communément considéré comme la révolution irlandaise est là. S'il faut lui trouver un commencement, c'est le soulèvement de Pâques 1916, mais ce dernier est lui-même l’héritier —et s’en revendique— de toutes les révoltes précédentes, qui ont échoué mais ont toujours laissé dans l’histoire de leur pays une trace de leur lutte que d’autres ont suivie après eux, siècle après siècle. Il est encore plus difficile de lui trouver une fin : certes l’Irlande pays souverain existe enfin, mais n’a pas recouvré tout le territoire de son île, et des Irlandais du Nord ont repris la lutte à la fin du XXe siècle et à nouveau attaqué le pouvoir anglais en Irlande, se réclamant du combat séculaire des nationalistes irlandais.
– Les Libérateurs de l’Irlande, Vendémiaire, 2016, pp. 9-10

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Je souris, apaisé, dans les pieds de maïs qui autour de moi dansent doucement dans le vent comme des prêtresses m’adorant. J’ai abandonné la maison. Je vais rester là. Faute de pouvoir mourir — comment fait-on, d’ailleurs ? — je vais faire semblant, leur faire peur. Rester caché jusqu’à l’heure du repas. Attendre qu’on m’appelle et ne pas sortir. Qu’on envoie mes frères d’abord, et ne pas sortir. Qu’un adulte, ma mère, une de mes tantes, sorte et m’appelle. Et rester encore. Les entendre pester d’abord, en rire, et rester caché comme une taupe, un serpent, un renard. Attendre qu’on me menace, même, puis qu’enfin on s’inquiète. Alors seulement j’apparaîtrais. Je recevrais une ou deux gifles, sûrement, mais c'est le prix à payer pour qu’ils comprennent, et on n’a rien sans rien.
Et soudain je le vois. Tout près de moi, il a pénétré sans un bruit dans mon champ de vision il n’est qu’à quelques dizaines de centimètres de mon visage et je mets un instant à enfin me redresser comme une pelle sur laquelle on aurait marché. Quelque chose a bondi dans ma poitrine. Tout bat, tout s’est tu, tout est blanc. C’est un jeune oiseau. Assez gros, rond. Il n’a presque pas d’ailes, encore, ou il n'en a déjà plus. Il me fixe d’un œil liquide et noir —je n’en vois qu’un. Son irruption me stupéfie, me terrorise d’instinct. Un frisson inconnu a dressé les cheveux sur ma nuque. D’abord tétanisé par sa simple présence, je n’avais pas vu : son plumage terne semble vibrer, vivre une vie propre. Oh, non : il est couvert de mouches. Et soudain je sais qu’il est fini. La goutte d’encre de son œil n’exprime rien tandis que les petits insectes noirs dansent sur son corps et se glissent sous ses plumes pour s’y livrer à je ne sais quelle atrocité et je m’entends pousser un cri aigu de dégoût et de peur et sans le quitter un instant des yeux je me lève et m’écarte de lui à reculons je trébuche, et cours enfin vers la maison en fendant les rangées de maïs comme un sanglier pourchassé par une meute d’hommes et de chiens.
– À travers ciel, Phébus, 2016, pp. 9-10

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Puis elle m’a appelé pour que je l’aide et je me suis retrouvé à côté d’elle, penché sur le plan de travail de marbre noir tendu sous la fenêtre qui donnait sur l’arrière de la maison, à couper du pain et du fromage qu’à quelques centimètres de moi elle garnissait de tomates et d’un trait d’huile d’olive et quelque chose en moi restait bouche bée de me trouver là préparant un repas à côté d’une femme autre que ma mère ou ma sœur, ailleurs que chez moi, une autre femme dans une autre maison, qui faisait de moi tout à coup un autre moi. Elle m’a dit que les tomates étaient belles puis elle a demandé si j’aimais le melon et comme j’avais dit oui elle a pris un de ces gros ballons vert d’eau dans un panier de fruits et d’un long couteau l’a fendu et nettoyé de son fracas gluant de pépins et partagé en lunes oranges qu’elle a mises dans un grand bol et en prenant une aussitôt entre deux doigts pour elle-même et y croquant elle est allée se pencher sur la tablette et a dit après un instant que c’était une copie mais une jolie copie et que les signes utilisés lui semblaient exacts et exécutés avec soin. Elle s’est redressée a mordu encore dans le fin quartier de fruit saumon qu’elle tenait et après un instant m’a demandé si elle pouvait la garder quelques jours pour vérifier, elle est à la fois très belle et très intéressante, et le dernier morceau de la part de melon a disparu dans sa bouche. J’aurais pu regarder du melon disparaître ainsi pendant des journées entières mais il fallait déjà qu’elle retourne travailler et bientôt nous nous quittions devant la bibliothèque. Sur Rosalie dans la campagne j’avais envie de crier, je ne pouvais chasser de mes pensées la clé sous la pierre le melon les tomates et le rongo-rongo.
– Îles flottantes, Phébus, 2017, pp. 90-91

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
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