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Les écrivains / adhérents

Sandrine Willems

Poésie / Nouvelle
photo Sandrine Willems

"L'écriture découle pour moi d'expériences théâtrales (surtout d'interprétation) et cinématographiques (d'écriture et de réalisation.) Généralement j'écris me mettant dans la peau d'un personnage, qu'inversement je nourris de mes propres émotions. Le monologue devient donc une sorte de dialogue secret, et écrire revient à jouer, au sens le plus fort, c'est-à-dire à vivre. Souvent je m’aperçois d'étranges identifications à mes "narrateurs", qui m'imposent leurs humeurs sombres ou leurs joies. C’est encore plus évident lorsqu’il s’agit de personnages qui ont réellement existé, et je me plais alors à l’illusion de les « ressusciter », comme un Michelet rêvait de rendre vie aux morts. Les biographies sont un aliment de premier ordre pour ceux qui, comme moi, ont moins d’imagination que de capacité à ressentir. Mais même quand il s’agit de personnages fictifs, je finis par croire à la réalité de leur existence – les fantômes créés par l’esprit rejoignant ceux des morts…
Ainsi la solitude extrême qu'exige l'écriture se peuple-t-elle de "doubles", dont j'ai l'impression, finalement, qu'ils écrivent à ma place, mon rôle se bornant à prendre note de ce qu'ils me dictent. Voilà pourquoi la voix, une certaine oralité, est essentielle dans ce que je fais. J'ai besoin d'entendre ce qui s'écrit, et suis de plus en plus sensible à ce qui rapproche la langue de la musique, les phrases de vers. Souvent je compte les pieds, sans même m'en rendre compte, et cherche un équilibre qui n'est jamais fort loin d'octosyllabes ou d'alexandrins."

Thèmes
Mes livres publiés à ce jour se fondent chacun sur la vie, plus ou moins fictionnalisée, d'un personnage historique ou mythique, au destin "passionnel" : la chanteuse Maria Malibran, le roi fou Charles VI, la Bérénice qu'évoqua Racine, Michel Ange, et dans la série des Petits Dieux, des personnages liés à un animal: Chardin et le lièvre, Carmen et le taureau, La Dame et la licorne… L'amour fou, souvent, y croise la nostalgie, l'enfance une recherche du temps perdu, comme le lyrisme y côtoie la méditation. Les textes suivants, non encore édités, poursuivent la même thématique, mais sur un mode plus directement autobiographique.

Bibliographie

- Una Voce poco fa, roman, éditions Autrement, collection "Littératures", Paris, 2000.
- Les petits dieux, onze " romans miniatures " (Abraham et l'agneau, Chardin et le lièvre, Carmen et le taureau, La Dame et la licorne, Tchang et le Yéti, Borgès et la lézarde, Jérôme et le lion, Artémis et le cerf, Nietzsche et les oiseaux, L'Homme et les loups, Franju et le porc) écrits avec le soutien de la Communauté Française de Belgique, Les Impressions Nouvelles, Paris Bruxelles, 2001-2002 ; sélectionné parmi les finalistes du prix Rossel 2002 ; prix " Nouvelles " 2004 de l’Académie belge des Arts et des Lettres
- Le Roman dans les ronces, ou la légende de Charles VI, roi fou, et de sa servante, Les Impressions Nouvelles, Paris Bruxelles, 2003 ; sélectionné parmi les finalistes du prix Rossel 2003
- Le Sourire de Bérénice, Les Impressions Nouvelles, Paris Bruxelles, 2004
- Elégie à Michel-Ange, écrit avec le soutien de la Communauté Française de Belgique; illustré par les photographies de M.F Plissart; Les Impressions Nouvelles, Paris Bruxelles, 2005

Extraits

Chardin et le lièvre
Peignant aujourd’hui ce qui sera, sans doute, ma dernière œuvre, je viens vous prier de ne point en parler : vous n’y comprendriez rien.
Il s’agit d’un visage de vieil homme ; et ce visage est le mien. J’ai à présent près de quatre-vingts ans, Monsieur, et il me fallut tout ce temps pour avoir, enfin, un visage. Non qu’il fût fort intéressant, mais je suis curieux de cet être décapé qui n’est plus un Monsieur. Il me faut le décrire un peu, pour que vous puissiez le voir tel, sans lui ajouter quelque fard, qui le rendrait moins blême. Car mes joues fripées se passent de poudre, leurs rides sont à nu, et je vous assure qu’elles sont profondes. Je porte sur la tête un vieux bonnet de femme aux dentelles crasseuses, que je ne quitte plus, depuis que m’a quitté la seule femme que j’aie aimée ; il lui appartenait. Je déteste me salir le crâne, la peinture est tenace, et les bains me répugnent. Ils me dépouillent de cette odeur d’atelier, qui est ma seule parure. Sachez que je ne porte qu’un tablier, qui me sert aussi de peignoir, et qui doit être bien râpé. Je dis qu’il doit, car moi je ne vois pas ces choses, ou plutôt elles me plaisent. Je ne suis pas de ceux qui n’aiment la patine que sur les tableaux – et de ce fait les regardent fort mal. Les mêmes vous diront sans doute que mon goût de l’usé vise à masquer mon avarice. Ecoutez-les ou non, je n’ai plus rien à prouver. Je vous dirai seulement que les pingres, souvent, s’efforcent de ne pas rester pauvres ; et moi, je ne suis pas riche.

Le sourire de Bérénice
Moi j’aurais tant voulu l’embaumer, ce corps adoré, le laver dans le Nil, à des vases d’or confier ses viscères, puis l’emplir de résine, de myrrhe, de miel, de myrte, de genêts, d’asphodèles, de feuilles de térébinthes, de tamaris, puis l’exposer, en plein soleil, jusqu’à ce qu’il devienne statue.
A défaut, j’écrivis le récit de sa vie, comme on en trouve dans les sarcophages, entre les prières et les hymnes qui conduisent à la lumière. « De ma vie raconte ce que tu veux », m’avait elle dit, elle qui pensait avoir vécu la plus belle histoire d’amour de tous les temps, à laquelle aucun scribe ne suffirait. Aussi est ce toi, Bérénice, qui guidas la main du petit Tamaris – dont le nom seul résume ton existence. Quand le soleil s’est couché, que le phénix s’est envolé, il reste la lune et l’ibis de Thôt, qui retrace l’histoire des dieux, des hommes et des bêtes.

Types d'interventions
  • Ateliers / rencontres autres publics