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Les écrivains / adhérents

Cédric Morgan

Roman

Cédric Morgan (pseudonyme de Jean-Yves Quenouille) est né au fond du golfe du Morbihan. Les fenêtres de la clinique donnaient sur le port de Vannes. D’où peut-être le goût de la mer, des marées, des rêves de partance.
Calme ennui d’une adolescence provinciale des années soixante. Seule échappée : la lecture. Pourtant, chez lui, aucun livre. Il dévore la bibliothèque d’un camarade mieux loti. David Copperfield, dans une version abrégée et illustrée, l’a longtemps fait rêver à la magie d’une vie qu’on raconte. Quand il découvre l’existence d’une bibliothèque municipale il lit tout ce qui se présente. De Jean Aicard (le premier poète français, par ordre alphabétique… ricanait Gide) à Zola.
Diplômé de Sciences-Po (Paris), licencié en droit (Nantes) et ès-lettres (Paris-Sorbonne), il a conduit une vie professionnelle entièrement vouée à la communication, et spécialement la communication interne, au sein de groupes industriels mondiaux – Rhône-Poulenc, Usinor et Pechiney.
Et, en marge, tout le temps sauvé était consacré à l’écriture. Il a publié des poèmes dans différentes revues et a créé la revue de poésie « IncenDits », publiée avec l’aide du CNL, et centrée sur un lyrisme du quotidien, qu’il a animée pendant une quinzaine d’années.
Parallèlement il travaille l’écriture romanesque et en 1991 son premier roman trouve un éditeur. A ce jour il a publié huit romans.
Il s’attache à des « vies minuscules », des personnages que le quotidien, l’existence ne bouscule pas au-delà des aléas ordinaires, ne pousse guère à des aventures fracassantes, maintient dans l’ordinaire des jours.
Mais ces personnages savent que le fait d’être au monde, d’exister devant l’oiseau, la fleur, l’insecte, le nuage, le sourire d’un autre, d’une autre, est en soi la vraie richesse des humains. Et l’existence qui nait de mots qui la racontent est plus intéressante que celle qu’on vit.
Car la joie de lire provient du choix d’un vocabulaire, de la cadence des phrases, de la composition du roman. C’est-à-dire de la forme. A tel point que le lecteur (comme l’auteur) ne sait plus, à tel instant, s’il a réellement connu un jour ce qu’il retrouve et qui le touche tellement dans les pages du livre, s’il s’approprie les « souvenirs » d’un autre, s’il invente son propre vécu.

A obtenu une Mission Stendhal en 2016 au Japon.

https://www.facebook.com/jyquenouille
Bibliographie

– Le goût du vent sur les lèvres, 2017, éditions Les Escales
– Une femme simple, 2014, éditions Grasset – Prix Bretagne, 2015
– Kafka ramait le dimanche, 2009, éditions Phebus – faux polar, humour
– Oublier l'orage, 2005, éd. Phébus
– Le Bleu de la mer, 2003, éd. Phebus – Prix du roman de la ville de Carhaix, sélection prix Interallié
– Le Bonheur en douce, 1999, éd. Phebus – sélection Prix des Libraires
– L'Enfant perdu, 1995, éd. Phebus — sélections prix Renaudot, Femina et Interallié
– Les ailes du Tigre, 1993, éd. Phebus
– Cet hiver-là, 1991, éd. Phebus
– Poèmes en revues, 1975 à 2003
– Je ne suis pas un ciel de lit (collection Poésie pour vivre) 1973, éd. St Germain des Prés

Extraits

« Secrète est Belle-Ile-en-Mer, puissant le romancier capable de nous chuchoter sa douceur et sa folie, poignante cette histoire de bagne d’enfants et d’amour, éclose au sein d’un cauchemar. » Yann Queffelec

Des moutons venus du large abordaient par troupeaux entiers le rivage et là, en bataille, se chevauchaient, s’enchevêtraient en d’énormes touffes de coton écru, ici et là un peu sale, bouchonnant au fond de la crique. Alors le vent revenait les chercher, les culbutait et, relançant leur fuite, les hissait par rafales contre l’à-pic, les projetait sur le talus de la falaise d’où, franchi la crête, ils s’égaillaient, soudain libres, virevoltant telles des mouettes légères, nerveuses, muettes au sein du tohu-bohu. Qui bientôt se dispersaient sur les terres, fleurissant l’étendue de brins laiteux qu’on retrouvait piqués aux épines de la lande, disputés par les bourrasques, et signant longtemps de cette fausse neige leur passage. Louane contemplait le phénomène. Recroquevillée. Heureuse.

Une femme simple
« Il y a des livres qui sont bien plus que ce qu’ils paraissent être. Ils font entendre quelque chose de plus essentiel, et qui est la qualité propre de leur silence. Cette manière qu’a le style de se régler sur le silence des âmes, bien plus intime que les singularités d’un corps, d’une psyché ou d’un destin. Tel est Une femme simple. » Pierre Jourde (LE NOUVEL OBS –blog)

Et elle restait là longtemps, dans le bout de jardin envahi d’herbes folles. Vacante. Debout, mains sur les hanches. Quelquefois assise sur le vieux tas de bois, les doigts entrecroisés sur son ventre comme pour protéger un oiseau, une fleur fragile, l’espace d’un futur enfant. Et quand dans le vaste silence de l’après-midi sonnaient les heures au clocher d’Arzon elle écoutait le battement régulier de la cloche que le vent d’ouest apportait par-dessus les promontoires, les îles, la mer, malgré la distance. Son attention engourdie calculait machinalement les coups du marteau sur le bronze. Comme pour s’assurer que tout était bien, que le compte y était. Et la cloche lointaine continuait -- entre ses emportements pour les messes, les vêpres -- de sagement rythmer la journée pour qui voulait sur ce coin de terre, ce secteur de mer.

Oublier l’orage
« Un beau livre païen, où la poésie fuse dans la prose. Un suspense qui combine avec virtuosité la glace et le feu. » (ELLE)

Repasser au creux du vallon, longer l’endroit où je l’avais connue pleine de vie, puis où, dans le tremblement des jumelles, je la vis à jamais endormie, inerte au soleil, c’est malgré moi rapprocher les morceaux du miroir brisé, réentendre des bribes de la chanson perdue, sentir tressaillir dans ma chair la cicatrice. D’ailleurs, est-ce une douleur ou une nostalgie ? Je l’ignore, mais j’y découvre un bonheur attiédi, doux comme un soleil de fin de journée. J’ai traîné dans les allées, je n’ai pu m’asseoir sur un des bancs à cause de la pluie. Les oiseaux étaient silencieux, les fleurs, perlées d’eau au bout de leurs longues tiges, acquiesçaient doucement. Mais à quoi ?


Le Bleu de la mer
« L’auteur excelle à évoquer les petits bonheurs sensuels qui émaillent cette vie, couleurs, senteurs, gestes simples du quotidien, telles des célébrations minuscules d’une cérémonie sans cesse recommencée. Il y a là une manière de beauté tranquille, rythmée par les pulsations longues de l’océan qu’il vient chaque jour longuement contempler, assis sur le muret de son jardin. Un accord que l’on retrouve jusque dans l’équilibre de la phrase, dans la juste répartition de la matière tonale, quand il est par exemple question de la neige lente de la vie ". J-C. Lebrun (L’Humanité)

Ma journée n’a l’air de rien. Pour un ouvrier qui fait les trois-huit, se lève à quatre heures du matin pour prendre son poste à cinq sur une machine, je suis un paresseux. Pour celui qui produit, ratisse, vide ou colle, bâtit, signe des monceaux de papiers, conduit un autobus, un train, calcule, mon travail n’est d’aucune utilité.
J’approche la toile, deux ou trois pinceaux entre les doigts. Je pose la couleur, j’ai le geste appliqué du chien qui gratte le sol. Je ne mets à jour rien d’enfoui. Je ne révèle pas la fraîcheur de la terre. Je suis témoin du surgissement de traits de pâte qui occupent l’espace, on dirait selon le hasard quand cela commence, comme les premières gouttes d’une pluie d’orage.
Le pinceau a besoin d‘un lieu où laisser une trace, une surface close où s’affronter à l’absence. Il est l’insecte qui dévore le brin d’herbe qui le soutient. Je suis satisfait de savoir que la couleur de la peau est également parfaite et différente sous le pinceau de Raphaël, de Gentileschi, de Titien ou de Boucher.

Lieu de vie

Bretagne, 56 - Morbihan

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire