Ma mère nous emmenait déjeuner à la plage, se sauvant dans sa Mehari de femme libre, entre midi et deux, pendant que les enfants de ma classe étaient à la cantine. C’est l’un des souvenirs fondateurs de ce que je suis. Je rentrais en classe, un peu en retard, inquiète de ma différence, et en même temps, intérieurement, si fière de cette maman extra-ordinaire. Quand je m’appliquais à nouveau à écrire, du sable tombait de mes cheveux dans mon cahier. C’était magique. J’étais seule à le voir, seule à savoir de quelle liberté j’étais l’héritière. Ce sable me donnait un sentiment aigu de petits dangers bravés, de grand plaisir volé. Un jour je suis même tombée de la Mehari, ai roulé sur le sable, la voiture s’est enlisée… un inconnu nous a aidés. Bref, que d’interdits pendant que les autres obéissaient au rythme cantinier. De là (entre mille exemples), mon goût frondeur du secret et mon permanent sentiment de décalage… un décalage qui m’a aussi, paradoxalement, permis mille partages dans les belles rencontres que m’a offert la vie. Rencontres qui sont au cœur de mon histoire. Les mots aussi ont toujours été là, omniprésents. Ainsi, l’un des bruits qui scandait mes étés est celui de la machine à écrire de mon père… Je leur rends hommage à ces parents-enfants, pas sages du tout, du genre fabuleux.
Comme mère, j’ai tenté d’être plus ordinaire. Comme éditrice, j’ai aimé frôler entre sagesse, rigueur, et fantaisie, créativité. Comme lectrice, entre romans et correspondances. Comme auteur, ma curiosité voyage entre documentaire, essai et poésie. Comme formatrice et coach aujourd’hui, j’aide à trouver ou à quitter la voie, selon que les personnes me semblent naviguer un peu trop de travers, ou un peu trop droit, au risque, dans les deux cas, de se perdre en route.
Bon, pour ceux qui voudraient une vraie biographie, allons droit au but : je suis née à Paris, d’un père guyanais, psychiatre fou, auteur frustré, jaloux infidèle, infernal charmeur, et d’une mère superbe, artiste, rayonnante, fusionnelle jusqu’à se perdre. Mille demi frères et sœurs terribles eux aussi. Désirant plus de sagesse, je suis devenue professeur de philosophie à 22 ans, puis, laissant libre cours à mes envies, à 29 éditrice, à 30 maman d’un fils, à 38 d’une fille, à 40 auteur chef de projets polyvalente en free-lance, à 50 coach, animatrice d’ateliers d’écriture, formatrice et depuis… je ne compte plus !

Thèmes : l’enfantement, l’enfance, la famille, le toucher, la sensibilité, l’écriture