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Les écrivains / adhérents

Corinne Bayle

Roman / Essais
photo Corinne Bayle

Vit à Paris. Professeur de littérature française à l’École Normale Supérieure de Lyon (ENSL), membre du Centre de Recherches Comparées sur la Création (CERCC), spécialiste de poésie des XIXe et XXe siècles (Nerval, Gautier, Baudelaire, Reverdy, Char).
Travaille sur la poésie et son « autre », s’intéressant aux rapports de la poésie et de la peinture, ainsi qu’à l’entrelacement du poétique et du romanesque.
Domaine privilégié : le Romantisme et ses prolongements dans la modernité, avec un attachement particulier pour le Romantisme allemand de la première heure.
A été durant sept ans membre du comité de rédaction de la revue Le Nouveau Recueil dirigé par Jean-Michel Maulpoix (1998-2004).
A publié de nombreux comptes-rendus critiques de poésie et d’essais, ainsi que des textes dans Le Nouveau Recueil, Europe, Ralentir Travaux et sur Fabula. À côté des essais critiques, ses livres personnels entrelacent la mémoire littéraire et la mémoire intime en une prose poétique souvent fragmentaire.

Bibliographie

Essais
Romans et contes de Pierre Reverdy : une poétique de la marge. Essai sur « Le Voleur de talan », « La Peau de l’homme » et « Risques et périls », Champion-Slatkine, 1993
Gérard de Nerval. La marche à l’Étoile, Champ Vallon, collection « Champ poétique », 2001
Gérard de Nerval. L’Inconsolé, biographie, Aden, collection « Le cercle des poètes disparus », 2008

Éditions critiques
– Édition critique illustrée de Théophile Gautier, L’Art moderne, introduction, notices et notes de Corinne Bayle & Olivier Schefer, Éditions Fage, Lyon, 2011
Lettres des Dioscures. Correspondance de Gérard de Nerval & Théophile Gautier, présentée et annotée par Corinne Bayle, publication de l’Université de Bretagne Occidentale, Brest, Centre d’Étude des Correspondances et Journaux intimes, UMR 6563/CNRS, 2011

Récits
Rouges Roses de l’oubli, Champ Vallon, collection « Recueil », 2001
Ombres d’amours en rêve, Le Noroît, collection « chemins de traverse », 2007
Au clair de la nuit, Le Noroît, collection « chemins de traverse », 2012

Roman
Du Paradis, Journal de Poméranie (1792-1804), Aden, 2010, présenté à l'émission de Veinstein sur France culture : www.franceculture.com/emission-du-jour-au-lendemain-corinne-bayle-2011-02-22.html

Extraits

Rouges Roses de l’oubli, Champ Vallon, 2001

Les livres et les fleurs sont tout ce qui me reste aujourd’hui. Les herbiers que j’aime regarder, avec les détails botaniques dessinés, les particularités inventoriées, les précisions dans le trait et dans le verbe me tiennent lieu des volumes que je n’ai pas écrits, ressemblent aux innombrables tomes que j’ai lus en songe. Maintenant échouée dans ce lieu de nulle part, les œuvres me servent de repères, en un univers peuplé de fantômes. Sans la littérature que serais-je devenue ici ? Il n’y a rien d’autre à faire que retrouver entre les pages des fragments de mon existence, tels des pétales serrés entre les feuillets d’ouvrages préférés. La vie court sans moi de l’autre côté des fenêtres. Je n’ose plus me réveiller. J’attends et je me souviens. Les images reviennent comme des vagues, que la marée ramène, remporte, effaçant les traces. Les roses et les feuilles, fragiles, prêtes à se réduire en poussière, dessinent la carte de ma mémoire, et je ne sais plus si je rêve encore lorsque je dors d’un sommeil trop léger entrecoupé de scènes brillantes, enténébré de souffrances. Alors, aux bordures des territoires de veilles, aux confins des paysages de chimères, j’ouvre les yeux sur un pays idéal : là commence et finit le monde.


Du Paradis. Journal de Poméranie (1792-1804), Aden, 2010

Je suis née en 1774, dans cette région de Poméranie alors partie de la Suède, plus tard rattachée à l’Allemagne. Toute ma vie, ces paysages des bords de la Baltique ont hanté mon regard, lorsque j’en étais éloignée, des années après, vivant dans d’autres lieux et d’autres cercles. L’éclat de neige de ces ciels glacés, la surface immense de ces lacs impassibles, l’horizon brumeux où l’œil se perd, ces images premières m’ont dit une forme de pureté, de droiture et d’exigence, tout ce qui guiderait toujours ma volonté, même quand j’aurais l’air d’en être séparée, comme égarée sur d’autres chemins.
À l’époque de mon adolescence, la rencontre d’un ami de mon frère me bouleversa au point de me faire oublier tout autre affection, tout ce qui, jusque-là, avait constitué mon univers. Mes pensées n’appartinrent plus alors qu’à ce jeune homme aux yeux noirs, qui parlait vite et pensait plus rapidement encore, que Wilhelm avait connu dans une université de droit où il avait passé quelque temps. Invité à la fin d’un long hiver, il séduisit tous les miens et parut bientôt l’enfant de la maison, au même titre que nous. Ses manières distinguées, son élégance morale, sa courtoisie envers autrui emportèrent l’adhésion de tous, bien avant que je ne m’aperçoive combien sa grâce particulière et le charme de sa conversation étonnaient mon cœur à chaque nouvelle entrevue. C’est avec mon frère qu’il parlait le plus souvent, lequel me rapportait, dans nos interminables discussions nocturnes, la surprenante maturité de son esprit, l’étendue de ses connaissances, la finesse de son intelligence pour toutes les questions qui touchaient à la philosophie, à la religion, aux sciences et aux arts.
Il avait des idées singulières et embrassait le monde d’une énergie peu commune, voulant toujours aller au fond des choses, creuser les apparences, pour en ramener une beauté inconnue qu’il ne séparait pas de la vérité, ou plutôt, d’une transparence et d’une clarté durement conquises sur les ténèbres. Loin de penser à l’écart des autres, il se disait électrisé par la réflexion d’autrui. Le dialogue et les échanges étaient le creuset même de ses théories d’une extrême vivacité et d’une souplesse qui lui permettait d’englober la totalité des éléments du réel en une formidable marqueterie de signes dont chaque hiéroglyphe réclamait une clé. Ce n’était pas seulement la poésie et la philosophie qu’il voulait réunir, mais bien l’art et la vie.
Mon journal de ces années de jeunesse contient l’éclat de ces journées, et l’émotion qu’il suscite en moi est grande encore, me restituant intact le sentiment de merveille qu’il y eut à vivre dans l’ombre d’un tel être que Dieu avait distingué.

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire