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Les écrivains / adhérents

Erwann Creac'h

Roman / Nouvelle / Théâtre / Scénario
photo Erwann Creac\'h

Je suis né en 1973, il y a quarante-deux années. Longtemps l’écriture est restée une compagne de l’ombre, à laquelle je ne prêtais qu’une attention distraite. Grandir entre des murs d’internats a engendré une vie intérieure riche de ferveurs et d'attentes. Je suis sagement devenu vétérinaire puis j’ai plongé dans les urgences de nuit, avant de me glisser dans d’autres peaux : régisseur, comédien, auteur et metteur en scène de théâtre, puis réalisateur et producteur de films. Au fil du chemin, l’écriture s’est imposée. Aujourd’hui j’écris en documentariste, soignant les cadres, le décor, les arrière-plans. Il s'agit toujours de ce que je connais, autour de moi, en moi. Les remous de l’identité masculine (au théâtre), des portraits d’humains égarés dans le regard d’un vétérinaire de nuit (des nouvelles, de la scène), la chevauchée d’un jeune réalisateur dans le monde du cinéma indépendant (roman). Témoigner de l’époque présente m’apparaît chaque fois comme une nécessité première. Quand l’écriture se fait besogneuse, c’est-à-dire souvent, la fameuse phrase de Proust vient me rassurer : un écrivain, c’est quelqu’un qui a du mal à écrire.

Bibliographie

Livres
– « Carnivores Domestiques » (nouvelles, édition Edite, puis Point Poche, Seuil), Prix littéraire 30 millions d’amis 2011.
– « La montée des marches » (roman, en cours d’édition).

Théâtre et scène
– « Si j’étais un homme », comédie sur l"identité masculine, 23 représentations au théâtre de Ménilmontant, Paris, 2006
– Carnivores Domestiques , Adaptation, Performance Festival Hors Piste, Centre pompidou (2012)

Cinéma
– « Trois petites morts », Court-métrage, 15 mn, (auteur réalisateur) – Overlap Films - 2011

Extraits

Extrait de "Carnivores domestiques"

Ce sera le milieu de la nuit. La porte s’ouvrira et ils commenceront à parler. Là, dans l’entrée. Il n’y aura pas de préambule, pas de présentation, ni formule de politesse. Les mots seront déjà sortis d’eux, des mots qui m’attendaient, et qui ne s’arrêteront plus. Je les écouterai, tout en sortant mes instruments. En observant le décor et peut-être le chien, le chat ou le furet planqué sous la commode. Je scruterai leur monde étrange et singulier, cet appartement somptueux ou cette bicoque un peu penchée, ce loft rectiligne, ce château baroque où ils m’auront fait entrer. Ils feront de grands gestes. Ne répondront pas à mes questions. Ils essayeront d’y répondre, oui ils essayeront, mais ce sera plus fort qu’eux, ils se perdront en chemin. Et tout le reste viendra s’étaler là : la tante, le cancer, le fils qui ne répond pas, une séparation, un week-end dans le Perche, des comprimés oubliés sur la table... Leurs histoires, leurs vies en désordre. Ils croient parler de la maladie du chien, du chat ou du lapin nain, mais c’est d’eux qu’ils parlent bien sûr. De leurs plaies, de leurs bosses, de leurs fractures et de leurs contusions. Ils déballent tout ça, chargé de panique, de larmes et d’angoisses.
Calme et attentif, je les écouterai. Je guetterai chaque information utile, chaque indice. J’aurai mon stéthoscope autour du cou, et je ferai les gestes d’un examen professionnel consciencieux. Sans un flottement de regard, sans une hésitation. Sans le moindre doute visible. Je le connais bien ce rôle-là, je le joue à la perfection. Tout sera parfaitement clair: l’origine de ce spasme, de cette plainte, la cause de cet air triste, de cette posture inhabituelle, la raison de ce silence ou de cette masse au milieu de l’abdomen. J’aurai l’air de tout savoir de leurs états d’âmes, tout de leurs petites histoires et de ces symptômes qui ne disent presque rien. « Ah s’il pouvait parler... » À un moment, ils diront ça, sans doute, parlant de l’animal. Il faudra qu’ils le disent. Peut-être pour se justifier de trop parler. Heureusement, les vétérinaires, c’est leur métier, de deviner, de savoir. Donc je saurai. Et même si je ne sais que mon ignorance, ils ne verront rien. Ils parleront encore. Je ferai quelques injections. Peut- être un petit calmant, en plus. Déjà, ça ira mieux. Je vous en fais un aussi ? Je ferai la blague. On rira ensemble. Ça ira encore mieux. Voilà ce qui se passera, voilà ce que je dirai. Le plus important, nous n’en parlerons pas.

Lieu de vie

Provence-Alpes-Côte d'Azur, 13 - Bouches-du-Rhône

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Ateliers / rencontres autres publics
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire