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Guy Allix

Poésie / Nouvelle / Essais
photo Guy Allix

Depuis plus de trente ans, Guy Allix écrit une oeuvre rugueuse et exigente dans l'affrontement d'un destin précaire. Une œuvre nocturne mais sans lamentation, creusée dans le sillon des mots les plus simples, parsemée de quelques éclaircies et d'une "énergie qui sourd du corps" comme l'amour dans "des poèmes de sang et de sève" (Gérard Poulouin). Sans effusion lyrique, le bonheur des mots s'y conjugue à la torture du langage. J.M.G Le Clézio parle de "détermination" et de "force" et dit d'un recueil de Guy Allix que c'est "un livre comme un bûcher". Chez ce poète agnostique et rebelle, il y a cependant comme un souffle mystique et le poème s'impose parfois comme une prière. Gilles Perrault ne s'y était pas trompé en déclarant il y a vingt ans : "Il faudrait lire Mouvances mes mots comme les croyants font de leurs textes sacrés à petites étapes, par bribes et morceaux, dans les temps creux comme dans les temps forts, pour y apprendre selon les heures la dérision de l'existence ou son exaltation." À l'écart des salons et des intellectuels de parade, l'auteur continue un travail secret sur le chemin de l'essentielle et inaccessible humilité. Un travail alimenté par la seule raison qui vaille la vie même entre douleur et douceur, entre fragilité et espérance. Toute la vie.

Thèmes
C'est entre "fureur" et "mystère" que René Char "habitait une douleur". C'est entre silence et fureur que Guy Allix avoue "être une douleur au monde". Les nuances ont leur poids. Si le mystère recouvre et occulte à coup sûr un arrière plan, il peut n'y avoir derrière du silence qu'un infini de silence. Si "habiter" implique pour un sujet souverain la possibilité de choisir un autre lieu, "être" est un état aussi unique qu'irrémédiable. Ainsi s'explique l'écriture rageuse d'un "déraciné" qui tente de reprendre pied par les mots dans toutes les continuités dont il se sent exclu: celle de la mémoire, celle de la vie, celle du monde, celle du langage. Entreprise épuisante, où l'haleine se raccourcit, où les mots griffent la page : rarement le poème parvient à dépasser quelques vers, et tout s'achèvera dans la dernière partie en notules qui avouent définitivement "le non-là", tout en poursuivant leur proclamation têtue, puisque le "cri" a le dernier mot, conjugué avec la perte d'ailleurs : "Où mieux s'égarer que dans le cri ?"
Car le dire n'est pas un état stable : c'est une frontière. Derrière lui, un territoire qui paraît à la fois riche, plein et inaccessible, matière de mémoire et matière de rêve, à la fois fascinant et interdit, nous-mêmes et l'autre de nous. Devant, le vertige de l'ouvert, de l'avenir, de la dispersion, de la perte, et finalement, de la mort. Entre les deux, un mouvement, celui de l'écriture et celui de la vie : "Tu te précipites à mots perdus dans l'épreuve de vivre". Car la mémoire ne s'explore pas, elle s' "explose", et c'est toujours "au bord du temps" que se tient le veilleur, comme Madeleine à la veilleuse (encore une réminiscence de Char). Si "le temps reflue jusqu'à sa source", c'est pour mieux "fulgurer" et "étonner", et les "pas" retrouvés du passé se disent par le même mot que la négation. Même Rennes, la ville du passé et de la jeunesse, est moins une archéologie du moi qu'un lieu un peu plus amicalement offert à une investigation totalement incertaine de ses buts, "espace lucide ouvert par un nom". Si ses rues lui ont appris à "marcher sa voix", il lui faut bien reconnaître qu' "à pas comptés ses mots passaient" : toujours la négation dont on se rend compte qu'elle envahit aussi le verbe "pas-ser".
Ce qui doit donc être valorisé, c'est ce qui vit dans la légèreté du passage, et singulièrement le regard et le souffle. Ces deux mots sont omniprésents dans les poèmes de Guy Allix. Le regard "coule la fragilité", il "se dissout sous l'aisselle du temps", il sait même "écrire son nom". Il ne pèse ni ne pose, il s'alimente de la nouveauté, il ne fait qu'accueillir. Ainsi sa légèreté l'apparente-t-elle naturellement au souffle, qui serait en quelque sorte son retour, l'expression de son impression : "Trouver le lieu du souffle. La posture essentielle. Le rythme éphémère a deux pas des paupières". Dans sa brièveté répétée, dans ses oscillations d'accueil et de très brèves méditations, le battement de paupières a ainsi à voir avec le rythme fondamental, celui sur lequel il faudrait vivre et écrire, le rythme du souffle. Les instants qu'il découpe sont les "moments propices d'une irruption de vivre, d'une éclosion de souffle". Et "écrire le poème", c'est "consacrer le vivant du souffle à l'essentiel de l'effort ". Les mots "vie" et "vivre" reviennent sans cesse : la poésie n'est pas chose définitive, mots tracés une fois pour toutes sur un papier qui les accueille et les recueille (ainsi parle-t-on du recueil de poèmes). Le souffle est un fragile véhicule où les mots mal arrimés tremblent et s'effilochent au passage, accrochent ce qu'ils rencontrent, et de ces accidents naissent des rêves nouveaux portés par des mots inconnus. Ainsi s'émerveille le poète, se tutoyant comme un autre lui-même advenu dans les à-peu-près de son langage : tes mots ne t'échappent pas, ils "t'écharpent par tout le corps" ; "ici où ta vie l'étrange", "ton souffle s'étrangle / Sur le bord cassant d'un rêve". Bords qui sont aussi, un autre poème le dira, les "bords de la tendresse".
Car il ne s'agit pas de perdre le monde, mais de le trouver enfin, dans un contact plus tendre. Le trouver, ou le pressentir: cette poésie arrachée n'est pas celle de l'adhésion ni de la confiance. Mais son "effort de vivre", c'est tout de même de "rapprocher les mots de la terre ", de leur faire reprendre corps, de rétablir le contact entre la peau du moi et la peau du monde. Dans les moments de grâce, le "paysage" ou le "lieu" sont vécus comme une "étreinte" par celui qui a "mal au ventre de la terre". Douleurs bénéfiques et fulgurantes ou effleurements sitôt envolés qu'apparus, sentiments poignant de réalité qui ne durent que le passage d'un mot, la brièveté les accueille et les ente. Par la proximité du mot "rosée" et du mot "rose", "une odeur t'accroche à la terre". Écrire, c'est se re-situer dans le monde : "Le poème t'avance dans un autre lieu", et le souffle qui le porte apparaît comme "ton seul pays au-dedans de ton corps étonné". Fragilité définitive : dans "étonné" se pressent le tonnerre de la déflagration prochaine. La chance de la poésie, qui lui permet simultanément de "dire, ne plus dire", est qu'elle n'est pas tenue d'être conclusive. Tout ce livre soigneusement construit et implacablement conduit est hérissé de protestations, d'efforts, que trouent les repos de brèves conquêtes, son unité est tension entre des poèmes, entre des mots qui à la fois font entendre un "appel ultime" et "me séparent, me confondent". Mais ce lieu de résonances est le seul vivable, nous en avons été avertis : "Sans échos il n'y aura que le souffle blême / De la mort".
Jean-Yves Debreuille, préface de El Desarellat (Editions Liquens, Barcelone)

glennmor.lescigales.org

http://guyallix.art.officelive.com/default.aspx
Bibliographie

Poésie
La Tête des songes, avec un frontispice d'Aldo Guillaume Turin, collection Présence et regards, éditions de l'Athanor, 1ère édition 1974, 2ème édition 1975.
L'Éveil des forges, avec cinq illustrations d'Aldo Guillaume Turin, éditions de l'Athanor 1976.
La Grande Forge, poème affiche, atelier La Feugraie, 1977.
Mouvance mes mots, avec une préface d'Hubert Juin, éditions Rougerie, 1984.
Fragments des fuites, éditions Rougerie, 1987.
C'est quand rêve l'heure, Poème-affiche illustré par Janladrou, éditions Motus 1991.
Lèvres de peu suivi de Le Nord, préface de Pierre Dhainaut, éditions Rougerie, 1993, (Prix Théophile Gautier 1994)
Le Déraciné, éditions René Rougerie, 1997.
Solitudes, avec une préface de Bernard Noël, éditions Rougerie, 1999
Le poème est mon seul courage, éditions Le Nouvel Athanor, préface de Jean-Luc Maxence, 2004.
Survivre et mourir, éditions Rougerie, 2008
Le Nord, Atelier de Groutel, 2010, ouvrage précieux à tirage limité
Oser l’amour (autres extraits), Atelier de Groutel, 2010, ouvrage précieux à tirage limité
Survivre et mourir, éditions Rougerie, 2011
Correspondances, en collaboration avec Marie-Josée Christien, collection Dialogues, éditions Sauvages, 2011

Nouvelles
– "Le Rendez-vous", in Ecritures 5, ouvrage collectif, éditions Poésie clandestine

Articles critiques
"La religion poétique", in Présence et regards n° l6, 1976.
Vers une lecture de Jean Follain: le poème et l'histoire, mémoire de maîtrise, Université de Caen 198O
"Jean Follain et l'École de Rochefort", in L'École de Rochefort, ouvrage collectif, Presses Universitaires d'Angers 1984
"Christian Rivot du mot à la lettre", in Monographie Christian Rivot, éditions de l'Ortie, 1985.
"Ghislain Gondouin: l'inversion même", in L'Ortie n°15, 1986.
"À l'entour de Guillevic, Guillevic à l'entour", in n° spécial Guillevic, Sud, ouvrage collectif, 1987.
Léopold Sédar Senghor du singulier à l'universel, in n° spécial Senghor (actes du colloque de Cerisy la Salle 1986), Sud, ouvrage collectif, 1987.
Christian Rivot: une parole à bout de mots, atelier des heures, tirage limité, 1989.
"Jean Follain le singulier", in revue CARACTERES n°5.
"Aspects du singulier dans l'œuvre de Jean Follain", in Rochefort et ses marges, éditions des Actes.
Janladrou à l'origine, catalogue d'exposition, Musée des Beaux-Arts de Saint-Lô, décembre 1993.
L’emprise, l’empreinte ou quelques pas avec Janladrou, catalogue d’exposition, mémorial littéraire national de Prague, 1999)
"Attention de Jean Follain & préface aux communications de Canisy", in Cahiers bleus hors série Hommage à Jean Follain(1997)
"Jean Follain devant l’histoire ou l’impossibilité de connaissance", in Cahiers bleus hors série Hommage à Jean Follain(1997)
"Jean Follain : la mort à l'œuvre", conférence prononcée au colloque de Cerisy-la-Salle le Monde de Jean Follain, ouvrage collectif, éditions Jean-Michel Place (1999)
Transfiguration, Catalogue d’exposition, théâtre de l’Hôtel de ville du Havre (2002)

Ouvrages pédagogiques
Autour de La Place avec Annie Ernaux, Centre Régional de la Documentation Pédagogique (juin 1997).

Écrits divers
– "Quelques mots pour d'autres ou le geste d'écrire", in Lire Tardieu, ouvrage collectif, Presses universitaires de Lyon, 1988.
– "Enseigner la poésie", in L'Estracelle n°3, 1993
– "J'écris parce que je ne sais pas", conférence au lycée de Coutances lors du colloque sur La philosophie de l'art in Vérité et jubilation, ouvrage collectif, éditions Normandie Terre des Arts, 1996.

Ouvrages sur Guy Allix
Guy Allix, éditions du Nouvel Athanor, collection « poètes trop effacés », choix de textes et présentation par Jean-Luc Maxence, 2008
Spered Gouez n° 16 (dossier central Guy Allix, entretien avec Marie-Josée Christien et contributions de Jean-Luc Steinmetz et Yvon Le Men), 2011

Récits autobiographiques
Maman j’ai oublié le titre de notre histoire, nouvelles autobiographiques, Galerie Racine 2008

– Spectacle musique celtique et poésie (Glenn-mor) avec le pianiste Olivier Mélisse.


Extraits

Murmure

Comme la ville faisait des pas d’angoisse
Je me suis demandé
Quel était ce silence de poing brisé
Qui voltigeait entre les algues des enfants
Toutes ces vérités que l’on garde au secret
Dans des bas de soie

J’ai joint mon pas à la foule
Pour briser l’harmonie des tambours
Et j’ai beau porter des sacs de sang
Pareils à des loups affamés sur mes épaules

Je n’en suis pas crucifié pour autant

Mouvance mes mots, 1984, éditions Rougerie


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Douleur de mon amour

Et le poème travaille comme la terre
Friable dans la circulation des sèves
Dans la posture de la douleur

Tu partages incessant l'errance rageuse
Tu tiens dans la main ce dernier souffle recueilli
Qui fuit déjà entre tes doigts
Incurve la buée sur la vitre

Dans la main l'aimante même qui se meurt
Quand tu voudrais simplement épouser une terre
Enfin terre à venir de ton nom
Quand tu voudrais seulement
Fondre ici les mots de ta nuit

Le poème est mon seul courage, éditions du Nouvel Athanor, 2004

Lieu de vie

Normandie, 14 - Calvados

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
  • Rencontres et lectures publiques
  • Ateliers d'écriture en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Ateliers / rencontres autres publics
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire