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Les écrivains / adhérents

Hugo Lacroix

Roman / Nouvelle / Essais
photo Hugo Lacroix

Né en 1953 à Valenciennes dans le Nord, je publie mon premier roman à 23 ans (Raideur digeste, Seuil). Dès le départ, il s’agit de découvrir dans l’écriture une allégresse qui résiste aux épreuves, de prendre l’habitude d’être heureux sans raison. L’univers narratif se prête à mille médiations entre ce positionnement voulu serein et la mélancolie brute qui nimbe les affaires humaines. Cette brutalité (depuis la tristesse jusqu’à la guerre) apporte heureusement la tension nécessaire à la vie comme à la littérature. Les rivalités entre personnages de fiction mettent à distance les compétitions qui nous accablent. La circulation de la parole qui s’exerce en eux et entre eux dans l’écriture permet un dialogue inaccoutumé, propose un nouvel essor à cet être de parole qu’est l’humain. Toute l’espérance du monde a été liée à la parole humaine.
Le poète Francis Ponge, dont la poésie tout entière est anti-dépressive, a pu assimiler nos modes de dire et leur jubilation proliférante à la production quasi infinie des bulles d’un savon qui mousse entre nos mains.
Très tôt, j’ai formé le voeu intempestif et risqué de ne faire qu’écrire, ce qui impliquait d’élargir au-delà des oeuvres de fiction, nouvelles et romans publiés, mon champ de compétence. Journalisme, critique d’art, services d’écriture spécialisés auprès d’architectes. Je me suis amusé à apprendre la réactivité à la rédaction de L’Echo des Savanes, j’ai été un bon correspondant à Rome pour Beaux-Arts et Témoignage chrétien, j’ai rencontré pour Art Press des artistes irremplaçables, de Paul Rebeyrolle à Michel Aubry, puis fait des livres avec certains d’entre eux. J’aime par-dessus tout travailler avec des architectes, pour l’unité qu’ils réalisent entre la création et l’action, entre le collectif et l’individuel.
Je dois à un homme unique et métamorphique, le romancier et essayiste Hubert Haddad, poète capable de soi-même devenir une muse, ma compréhension initiale des pratiques à développer au sein des ateliers d’écriture. Des ponts plutôt que des barrières, afin de guider imaginaires et subjectivités vers l’expression et la forme qui leur réussissent. Donner à l’écriture, qui est excès, une place dans des quotidiens de la vie. Offrir et partager son oeuvre par des lectures et ricocher sur d’autres lectures, en mélangeant les fraîches et les datées.

Au cours de ma déjà longue existence, j’ai fait l’amour dans dix-sept des 20 arrondissements parisiens, après avoir vécu d’abord en banlieue de Paris, puis adulte quatre années en Provence et six ans à Rome en Italie. Quelques voyages au Maghreb, Espagne, Portugal, Sardaigne, Grèce.
Mes thématiques d’écriture sont : l’individu dans la société contemporaine (tension et harmonie), les pays d’évasion réels et imaginaires (pour moi l’Italie), les rivalités qui nous ravagent (je crois au désir mimétique selon René Girard), le fonctionnement de la parole humaine (promesse et incarnation), le génie des lieux créateurs de mixité sociale (la plage, la nature, la ville, les espaces collectifs, la beauté).

Bibliographie

Romans
– Raideur digeste, Seuil, coll. Fiction & Cie, 1976
– Zizanie dans le métro, Engrenage, Jean-Goujon, 1978
– L’Accalmie des bouges, Albin Michel, 1980
– Touraine, Albin Michel, 1983
– Jamais plus moderne, Mazarine, 1984
– L’Art de ne pas vivre, 2016, attend son éditeur

Nouvelles
– Dix-sept histoires de dolce vita, La Différence, 2008
– Dix-sept histoires au pays de 89, La Différence, 2010

Essais (art, architecture)
– Affairisme & Littérature, avec Loulou Picasso, Le Dernier Terrain Vague, 1983
– Paul Rebeyrolle, entretien avec Hugo Lacroix, La NRF, juin 2001
– Architecture-Studio, monographie d’un groupe, Dalian university technology press, (bilingue français-chinois, et anglais-chinois), 2005
– L’Institut du monde arabe, La Différence, (bilingue français-arabe), 2007
– Les Dispositifs romanesques de Michel Aubry, Nicolas Chaudun, 2010
– Jo Vargas, La Différence, 2011
– L’Enfer, La Différence, 2013

Ouvrages collectifs
– Mots de passe 1945-1985, dir. Pascal Ory, acticle « Les Enfants du paradis », Autrement, 1985
– Dictionnaire du corps, dir. Michela Marzano, article « Habitat », Presses Universitaires de France, 2007
– Michel Canteloup, Suite africaine grande et petite, article « L’abstraction à dos de femme », Ecole Supérieure d’Art Tourcoing, 2011

Edition et préface
Jean-Baptiste Mercier Dupaty, Lettres sur l’Italie, Nicolas Chaudun, 2010
Biographie (à l’eau de rose)
Clark Gable, sous pseudo Ronald Fearfar, coll. Les plus belles histoires d’amour de Hollywood, Balland, 1981

Extraits

La nuit tombée venait d’interposer entre la vie et mes yeux une paire de verres fumés très épais. C’était l’été, dans le jardin d’un palais qui appartient à l’Allemagne. Des Algériens donnaient un concert de velours. Une flûte, un oud, trois tablas, quatre violons tuaient musicalement tout bruit de pas sur le gravier.
Les musiciens jouaient comme neuf sages détachés du contexte festif, indifférents à deux belles pin up qui encadraient le plateau de scène, deux pins parasols au modelé satisfaisant. Le Français Malraux avait raison : « Ne confondons pas les pin up avec les nus de la Grèce. » Confondons-les avec la verdure des pins.
« Les Algériens jouent mieux que les Marocains d’hier.
- Ils jouent divinement », ai-je répondu à Medardo.
Notre clan occupait tout un groupe de chaises. Vingt hommes et femmes, les compagnons de nos révoltes, de nos libérations, une génération éprouvée par la police, toujours debout pourtant, ne cédant jamais sur ses motifs de fierté.
« Mais Domitilla ?
- Je l’attends, justement. »
Elle revenait à peine de dix ans d’exil en France qui l’avaient déstabilisée. Nous avions par hasard assisté ensemble à cette petite scène en haut de la rue Sistina : une famille de nobles se met en bon ordre sur le trottoir avant un départ pour la messe à Trinita dei Monti. Tout à coup surgissent deux jeunes à scooter. Le conducteur ralentit. Le passager du scooter donne une gifle à la fille de famille. Domitilla s’était sentie dépaysée.
Avais-je manqué de clarté dans ma manière de lui fixer rendez-vous ? Comme elle n’arrivait pas, je songeais : il se peut qu’elle ait entendu assez de musique algérienne en France ; et j’avais zappé l’orchestre arabo-andalou. D’un coup de Vespa, je me rendais, vif comme l’air,
au podium aquatique de Villa Ada, où se produisait Caetano Veloso. On entrait là en payant trois fois rien, cinq euros. Tout comme ailleurs. Largesse du maire. Notre maire faisait intelligemment de la politique de césar : un peu de pain, beaucoup de jeux débarrassés de leur vulgarité antique. Notre maire, un écologiste issu de la meilleure bourgeoisie, surnommé « Cocomero » depuis qu’on l’étiquetait politiquement comme pastèque – « Vert à l’extérieur, Rouge à l’intérieur » -, n’était qu’un écologiste issu de la meilleure bourgeoisie. Si cela nous valait des concerts de verdure, tant mieux.
Il était très facile de voir que Domitilla n’était pas là. Tout le public reprenait en portugais la chanson du beau Brésilien contre la mondialisation. Ils ouvraient de larges bouches ; sauf quelques déprimés, les seuls dont j’examinais les traits, car si Domitilla s’était trouvée là, pensais-je, elle n’aurait pas chanté. Les Français en avaient fait une alcoolique.
Peut-être l’avais-je vexée et m’avait-elle posé un lapin. Je lui avais demandé si elle aimait toujours les carrés du peintre Mondrian. Elle m’avait raconté trop sérieusement, et même en boudant un peu, que Mondrian ne l’intéressait absolument plus, et même l’ennuyait. Avec l’alcool qu’elle avalait, je m’inquiétais des ravages à sa place, et je n’avais pas pu m’empêcher de dire… que Mondrian était devenu trop sobre pour elle. Pas très gentil de ma part.
(début de « Zapping de verdure » in Dix-sept histoires de dolce vita).

Ma bibliothèque

Les romanciers qui me réjouissaient étant petit s’appelaient Féval, Dumas, Stevenson, Rabelais, Queneau ; adolescent Salinger, Kerouac, Miller, Burroughs, Calvino ; puis Proust, Balzac, Barbey-d’Aurevilly, Conrad, Malaparte, Céline, Mishima, Kourouma, le Pasolini des poèmes, des films et des pamphlets, le Tabucchi de Femme de Porto Pim, cette pépite ; aujourd’hui tout G. W. Sebald, Jonathan Littell, l’interminable feuilleton heureux d’une solitude profonde que Pascal Quignard ne cesse d’écrire.

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Ateliers / rencontres autres publics
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire