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Les écrivains / adhérents

Isabelle Macor-Filarska

Poésie / Roman / Essais / Traduction

Isabelle Macor-Filarska est née en 1958, en Tunisie. Elle a effectué de nombreux séjours à l’étranger, en Grande-Bretagne, URSS, Europe Centrale, Israël, Maroc, et notamment en Pologne où elle a mené une partie de ses recherches sur la poésie polonaise contemporaine. Après avoir suivi des études de littérature anglo-américaine et de lettres modernes et linguistique à l’Université de Nanterre Paris-X, elle a soutenu une thèse de Doctorat en littérature comparée, à l’Université de la Sorbonne, en 1993. Cette thèse, intitulée Poésie polonaise et poésie française d’après-guerre : deux concepts de la réalité, autour d’une figure centrale, Czeslaw Milosz, est parue aux Presses de l’Université de Lille III. Professeur de langue et littérature françaises à l’Ecole Internationale de l’Alliance Française de Paris où elle a créé un Atelier de littérature-écriture, participe au Temps des écrivains à l’Université en invitant des écrivains dans ses classes, elle a aussi assumé une charge de cours en littératures comparées à l’Université de Versailles-St-Quentin-en-Yvelines et anime des séminaires de traduction, donne des conférences et des récitals de poésie, accompagnée de musiciens. Ses travaux et publications portent essentiellement sur les poésies française et polonaise contemporaines.
Traductrice de poésie polonaise contemporaine, elle a publié en français, avec la collaboration de Grzegorz Splawinski, Agata Kozak et Irena Gudaniec-Barbier les poètes Ewa Lipska, Wislawa Szymborska, Halina Poswiatowska, Stanislaw Grochowiak, Harasymowicz, Miron Bialoszewski, Maciej Niemiec, Urszula Koziol, etc… aux éditions L’Ancrier, Strasbourg, 1996 : Deux poétesses polonaises, Wislawa Szymborska – Ewa Lipska ; La Maison de la poésie Nord/Pas-de-Calais, 1995 : Dans le fleuve d’Héraclite, Wislawa Szymborska ; et 2004 : L’Homme pour débutants, Ewa Lipska ; Wydawnictwo literackie, 1998 : Oiseau de mon cœur, Halina Poswiatowska ; Noir sur Blanc, Paris, 2000 : co-traductrice du Panorama de la poésie polonaise du XX° siècle ; Caractères, 2004 : Mon ombre est une femme, Halina Poswiatowska ; Aux éditions Grèges, Montpellier 2008 (sur la short list du Prix Nelly Sachs 2010) : Moi, Ailleurs, L’Echarde, poèmes d’Ewa Lipska, traduits du polonais en collaboration avec Irena Gudaniec-Barbier. A également publié de nombreux articles et traductions dans les revues Plein Chant, Passage d’encres, Le Nouveau recueil, Grèges, Liber, Po&sie, Voix d’encre, Arsenal, Revue des Etudes Slaves, Pleine marge, Esprit, Europe, Le Journal des poètes (Bruxelles). En 1999, elle a obtenu une bourse de traduction du Centre National du Livre. Elle a traduit, en collaboration avec Agata Kozak, un ouvrage d’histoire médiévale : L’Europe des barbares, de Karol Modzelewski, Aubier (Flammarion) collection historique, Paris, septembre 2006. Son dernier ouvrage est un recueil de poèmes d’Urszula Koziol, Suppliques, paru aux éditions Grèges, octobre 2012. Elle a un autre recueil de traduction de poèmes d’Ewa Lipska à paraître en janvier 2013 L’Orange de Newton, à La Maison de la poésie d’Amay – L’Arbre à paroles, Belgique. A traduit les poèmes polonais pour le festival « La poésie dans le métro » et spoken words,www.poetryfrompoland.com - www.wierszewmetrze.eu en septembre 2011. Puis résidence de traducteur à Arles en novembre 2011.
Elle poursuit actuellement ses travaux sur la poésie contemporaine et traduit également du théâtre [Traduction de la pièce Mon Abba (My Abba), de Tomasz Man, pour le festival Les Eurotopiques, festival européen biennal de projets théâtraux. www.lavirgule.com/eurotopiques/index.htm. Ce texte, dans sa traduction française, a obtenu le Grand Prix du festival, Juin 2012.] et de la prose : nouvelles, récits, romans. Elle est aussi l’auteur de nouvelles, récits, poésies (a publié, traduite en portugais par Patricia Tenorio, dans la revue Caliban, Récife, Brésil, une prose poétique Dors mon amour – 2010.

http://macorfilarska. googlepages.com
Bibliographie

En revues
- 9 poèmes d’Ewa Lipska, poétesse polonaise contemporaine, traduction, Plein chant, 1989
- Wislawa Szymborska, poèmes et un article-essai sur sa poésie, L’autre Europe, éd. L’âge d’homme, 1992
- Correspondance et critique littéraire, pour L’hebdomadaire littéraire de Varsovie (Tygodnik Literacki) articles sur Edmond Jabès, Marguerite Yourcenar sur la poésie française contemporaine, 1991-1992
- Wislawa Szymborska, Urszula Koziol, Halina Poswiatowska, Ewa Lipska : Quatre poètes polonaises contemporaines, avec A. Kozac et G. Splawinski, Po&sie, Éd. Belin
- Poèmes d’Ewa Lipska, Wislawa Szymborska, Miron Bialoszewski, traduction, revue Liber, 1994/1996
- Wislawa Szymborska (Prix Nobel de littérature 1996), articles pour Télérama, 1996
- Deux poèmes de Wislawa Szymborska : Le tournant du siècle et Dans le fleuve d’Héraclite, traduction avec Grzegorz Splawinski, Courrier de Varsovie, 1996
- Deux poèmes d’Ewa Lipska et deux poèmes de Maciej Niemiec, traduction, Passage d’Encres, 1998
- Un poème de Halina Poswiatowska, paroles dérobées, traduction avec Grzegorz Splawinski, 1998
- Poèmes choisis de Halina Poswiatowska, traduction avec Grzegorz Splawinski, Le nouveau recueil, 1998
- Poèmes de Maciej Niemiec, traduction, Po&sie, 1998
- Poèmes de Maciej Niemiec, traduction, Le nouveau Recueil, 1998
- Maciej Niemiec, traduction, Revue du Club des Poètes, Vivre en poésie, 1999
- Ce qu’est l’amour, poème de Halina Poswiatowska, traduction avec Grzegorz Splawinski, revue Plein Chant, 1999
- Halina Poswiatowska, Le corps féminin est une cathédrale, traduction Revue des Etudes Slaves, 1999
- Une chronique : Poésie polonaise et poésie française d’après-guerre, deux concepts de la réalité, Revue des Études Slaves, 1999
- 9 poèmes d’Ewa Lipska, traduction avec Grzegorz, Revue Arsenal, 2000
- La mémoire transpercée, Poèmes d’Ewa Lipska, traduction avec Grzegorz Splawinski, Le Nouveau Re-cueil, 2001
- Ewa Lipska et Halina Poswiatowska Pleine Marge, Édition Peeters, 2001
- Poésie polonaise, trois écritures féminines, Ewa Lipska, Halina, Anna Swirszczynska, Encres Vagabon-des, 2002
- Cahier Pologne, poèmes de Wislawa Szymborska, Ewa Lipska, Halina Poswiatowska, Zbigniev Her-bert, Czeslaw Milosz, traduction avec Grzegorz Splawinski, Passages d’Encres, 2002
- Post-scriptum, poèmes d’Ewa Lipska, traduction avec Grzegorz Splawinski, Voix d’Encre, 2003
- Prose (Extrait de Dors mon amour), Arcade, 2003
- 7 Poèmes d’Ewa Lipska, traduction avec Grzegorz Splawinski, 2004
- Ewa Lipska, L’homme pour débutants, Repères, revue Esprit, 2006
- Monsieur Schmetterling et l’inévitable de la dissonance (extrait de Ludzie dla poczatkuja-cych/L’Homme pour débutants), Ewa Lipska, traduction, revue Greges, 2006
- in Revue "Europe", octobre 2010 - "Cahier création", poèmes d'Ewa Lipska, traduction par Isabelle Macor-Filarska et Irena Gudavic
- Revue "Littérales", Poésie à ddeux voix, poèmes d'Ewa Lipska, traduction par Isabelle Macor-Filarska et Irena Gudavic, 2010
- Un poème en prose, "Dors mon amour", traduction par Patricia Tenorio pour la revue Caliban, Brésil Réciffr, 2010

Livres ou recueils
– Poésie polonaise et poésie française d’après-guerre : deux concepts de la réalité – Presses de l’Université de Lille III, 1993
– Voix et visages de la poésie polonaise et contemporaine, ouvrage collectif, publication de l’Institut d’Études Slaves de Paris, 2004
– Choix de poèmes d’Ewa Lipska, Édition bilingue de Cracovie, Wydawnictwo Literackie, collection des grands poètes où est paru le recueil de H. Poswiatowska
– Choix de poèmes d’Ewa Lipska (derniers poèmes), Éditions Greges, 2007
– Dictionnaire des femmes créatrices, collaboration, Editions des femmes, novembre 2013.

Poésies
- Wislawa Szymborska, Dans le fleuve d’Héraclite, traduction avec Krzysztof Jezewski, édition bilingue, Maison de la Poésie du Nord-Pas-de-Calais, 1995
- Wislawa Szymborska – Prix Nobel de littérature 1996 - *** Ewa Lipska *** Deux poétesse polonaises contemporaines, traduction avec Grzegorz Splawinski, L’Ancier Éditeur, 1996
- Halina Poswiatowska, Oiseau de mon cœur, traduction avec Grzegorz Splawinski, édition bilingue, Wydawnictwo literackie, 1998
- Panorama de la poésie polonaise du XXème siècle, ouvrage collectif, traduction des poètes suivants : H. Poswiatowska, E. Lipska, U. Koziol, A. Swirszczynska, J. Harasymowicz, M. Bialoezewski, M. Nie-miec, S. Grochowiak, Éditions Noir sur Blanc, 2000
- L’homme pour débutants, choix de poèmes, Ewa Lipska, traduction avec Grzegorz Splawinski, Édition bilingue, Maison de la Poésie Nord-Pas-de-Calais, 2004
- Mon ombre est une femme, choix de poèmes de Halina Poswiatowska, traduction avec Grzegorz Spla-winski, Éditions Caractères, 2004
– Moi, Ailleurs, L'Echarde, trois recueils d'Ewa Lipska, trad. du polonais par Isabelle Macor-Filarska et Irena Gudaniec-Barbier, éd. Greges, Montpellier, juin 2008
– Poèmes de Weronika Lewandowska, Krzysztof Siwczyk, Wojciech Cichon, Grzegorz Bruszewski pour le festival La poésie dans le métro et Spoken words (slam), septembre 2011, trad. Isabelle Macor-Filarska avec la collaboration d’Irena Gudaniec-Barbier. www.poetryfrompoland.com et www.wierszewmetrze.eu - Patronage of the Polish EU Presidency
– Suppliques de Urszula Koziol, traduit du polonais par Isabelle Macor-Filarska et Agata Kozak, éditions Grèges 2012
– L'Orange de Newton de Ewa Lipska, traduit du polonais par Isabelle Macor-Filarska avec la collaboration d'Irena Gudaniec-Barbier, éd. L'Arbre à paroles, 2013

Autres traductions : Sciences humaines
– L’Europe des barbares, Karole Modzelewski, avec Agata Kozak, Édition Aubier-Flammarion, 2006
– Dossier pour un long métrage : Retour aux sources – Retour en Inde et en Pologne dans les pas de Jerzy Grotowski, trente ans après le projet de recherche du Théâtre des Sources, film de long métrage de Pierre Guicheney, pour la Société 24 images. Traduction du français en polonais : Isabelle Macor-Filarska avec la collaboration d’Irena Gundaniec-Barbier. Juin 2011.

Traductions inédites
- Un été à Nohant, Théâtre (G. Sand et Chopin), de l’écrivain polonais Jaroslaw Iwaszkiewicz
- La banqueroute du petit Jack, de Janusz Korczak
- Petits poèmes, recueil de poème de Maciej Niemiec
- Dans le manteau sombre des yeux fermés, de Maciej Niemiec
- Une saison, poème en prose de Maciej Niemiec
- La Moisissure, Théâtre, de Olgier Kajak

Extraits

Extrait de Une mélodie, récit inédit, 2006

Il y avait un bon moment déjà que la première étoile s’était allumée dans le ciel, deux ou trois heures peut-être, et elle semblait s’éloigner toujours plus, jusqu’à disparaître, perdue dans les nuages qui s’avançaient comme de noires banquises.
Les néons du club scintillaient bleu dans la nuit miroitante, conviant le public à entrer pour quelques heures de magie pure, un instant, une éternité. Sur le mur du club une affiche géante représentait le grand Alberto entouré de ses musiciens, arborant un sourire lumineux.
Alberto était rentré de voyage depuis quelques mois déjà, d’un voyage fabuleux qui l’avait apaisé et avait nourri son art. Il avait posé sa valise dans son appartement de la banlieue parisienne, il était heureux d’avoir accompli sa mission très spéciale de ramasseur d’étoiles comme on dit chez certains peuples d’Afrique de celui qui sait se rencontrer les musiques d’origines diverses. Il avait cette passion des voyages et des rencontres et pour lui, la rencontre, c’était forcément par la musique. C’est ainsi qu’il avait travaillé avec des musiciens africains et latinos notamment qui l’avaient inspiré et qu’il avait inspirés en retour pour donner des musiques nées de ces rencontres d’hommes et d’instruments en des lieux inattendus, oubliés parfois mais terres qui s’étaient avérées fertiles. Tout jeune, Alberto avait aimé les voyages, ils avaient imprimé en lui une indéracinable nostalgie, un amour indéfectible pour tous ceux qui errent, cherchent, se perdent, cherchent encore, sont en chemin. Alberto lui-même faisait penser à l’Homme en marche, d’Alberto Giacometti, avec sa silhouette haute et maigre, son profil fin d’homme douloureux et sensible, fragile et indestructible, armé d’un doux sourire rêveur, mélancolique. Alberto appartenait à cette race d’hommes en chemin, épris de liberté, épris des feuillages du vent, du soleil, du jour et de la nuit. Épris de la vie, déchiré, éperdu. Impulsif, mais doux, il avait des coups de folie, ou de cœur, et fidèle. À son amour, à la musique qu’il n’avait jamais trahie même dans les plus noirs moments de sa vie, là où il avait remis en question son art, découragé. Toujours drapé de noir, d’une suprême élégance, Alberto cultivait un romantisme léger où la nostalgie et la mélancolie se teintaient de rire. Fin lettré, il vouait un culte à l’énergique désespoir de Pasolini, se régalait du fantastique de Buzzati, aimait à réciter des poèmes de Leopardi, des fragments de Dante, L’Inferno, ou des poèmes de contemporains comme René Char ou Tardieu. Il rêvait lui-même d’écrire. Un récit de voyage. De son enfance. Mais il remettait à plus tard. Alberto consacrait du temps à rêver, il rêvait de sa vie passée et future, il se plaisait à imaginer l’avenir et à inventer son passé sous des formes différentes jamais fixées une fois pour toutes. Il modulait. Car il aimait chanter. Ce chant était un doux murmure à la Chet Baker, mélodique, sensuel et sentimental. Aîné d’une famille modeste de trois enfants, il s’était fait tout seul, il était devenu le musicien qu’il rêvait d’être depuis l’enfance. Il ne disparaîtrait pas sans laisser quelque chose. Alberto vivait seul, de temps à autre une femme faisait un bout de chemin avec lui. Il tombait facilement amoureux puis son désir le portait ailleurs, il voyageait de femme en femme. Tant de pays à explorer, tant de femmes à conquérir ! Tant de musiques ! Le temps ne passait pas, il était toujours jeune et beau. Il n’y avait ni commencement ni fin, il n’y avait jamais eu de commencement ni de fin. Éternité de tout. De la douleur et de la joie, de la tristesse et du plaisir. Éternité de l’instant fugace. Des vibrations qui émanaient des instruments. Rien n’avait jamais commencé, ni la nuit ne le jour qui se succédaient. Depuis des temps immémoriaux le rossignol, chanteur de la nuit, et l’alouette, chanteur de l’aube, se partageaient le chant du jour. Alberto était de la nuit et de l’aube.

Je m’étais dit que j’irais au Bluebird ce soir-là. Ces derniers temps, j’avais eu beaucoup à faire, je revenais d’une tournée de conférence à l’étranger et j’avais envie de reposer mon esprit qui commençait à réclamer une autre nourriture. J’invitai quelques amis et nous nous rendîmes au club en voiture. C’était un vendredi soir de la fin du mois de novembre. C’est là que pour la première fois je vis Alberto dont je connaissais la musique pour voir écouté ses disques, et pour l’avoir écouté sur scène, en pleine lumière avec son trio. C’est là que je fis sa connaissance et rencontrai quelques musiciens qui m’impressionnèrent et que se déclara ma passion pour le jazz live qui j’associai par la suite et définitivement à l’amour live aussi.
[…]
Et cet homme-là, il est seul, il est beau, son visage est beau, ses mains sont belles, ses mains de musicien, si fines, fragiles, forte, agiles. Il est malheureux, il est sensible et doux, violent aussi et impuissant devant ses démons qui l’assaillent. Il est très intelligent. Il est perdu. Éperdu.
Il me touche, se disait Esther, penchée au-dessus du mur d’enceinte du château. J’ai fait l’amour avec un homme que je ne connais pas, j’ai passé quelques nuits dans ses bras qui ne réchauffent plus car il croit qu’on ne peut plus l’aimer. Il m’a offert son visage douloureux, c’est ce qu’il a voulu montrer de lui.
Esther cherche à retrouver la joie, faire tomber les carcans qui rapetissent l’être, retrouver la joie qui est ouverture, accroissement d’être. Lui aussi, il cherche, en lui, la joie qui est musique. Oui, soyons légers, ne pesons pas sur les autres et sur nous-mêmes.

Je revis encore une fois Alberto au Bluebird un soir que je m’y étais rendue en compagnie d’un ami à qui je désirais ardemment faire partager la joie que me procurait sa musique. Il souffrait, les affaires ne s’arrangeaient pas. Il avait l’air très malade et je me faisais du souci pour lui. Involontairement, alors que j’étais montée au premier pour prendre un peu l’air, j’aperçus une jeune femme à l’allure de danseuse, à la longue chevelure noire bouclée, glisser furtivement quelque chose dans un vêtement peut-être, derrière le paravent qui servait de coulisses aux artistes, puis s’en aller rapidement d’un pas léger et fiévreux me sembla-t-il, vers la sortie.

Alberto marche de long en large au premier étage du club, dans les coulisses, tout de noir vêtu, si long, si mince, si fragile. Son visage est pâle, crispé par l’attente. Dans trois minutes, ils entameront le cinquième set. On dirait qu’il ne lui reste plus que quelques instants à vivre, la chose qui devrait arriver n’arrive pas, ce qui devrait advenir n’advient pas, si elle ne vient pas, son sort sera scellé, le verdict prononcé. Suspendu à son portable, on dirait qu’il prie Dieu quand il le tient dans ses mains jointes contre son visage. Il guette l’ombre d’une femme, réelle, s’en va. Alberto ne la voit pas, il descend lentement les marches qui mènent à la scène, le regard perdu. Tout à l’heure, dans sa loge, il trouvera le petit mot que la femme vivante lui a laissé.

Je t’aime quand tu joues, là tu retrouves ta légitimité, tu n’es plus le pauvre exilé gémissant, mal aimé, tu es celui qui donne du bonheur, celui que l’on aime. Là où tu joues ta musique tu es vrai.
Esther

Il l’appellera encore mais personne ne répondra au téléphone, la femme vivante aura disparu à jamais de son paysage. Alberto rentrera tout seul dans la nuit dans son appartement désert, maudit. Il s’allongera sur son lit, come mort, et il attendra.
Une ombre descend sur les toits de la ville, pose un voile sombre sur les maisons du quartier populaire, enveloppe les choses et les êtres dans une torpeur bienfaisante, une tristesse hivernale confortable. Propice à l’attente. Qui sait ? Est-ce qu’il sait ce qu’il attend, l’homme gémissant dans son lit, rigide, les mains froides ? Pourquoi prend-il la posture d’un mort ? N’a-t-il pas d’autre choix ? Est-ce la mort qu’il attend ? Qu’est-ce que cette mise en scène qu’il donne à voir aux autres et qu’il se joue à lui-même ? Il attend d’en sortir. De ce mauvais pas. Il attend de s’éveiller, lui qui demande à être bercé, il attend la secousse qui le remettra debout.
Pour l’heure la première étoile s’allume dans le ciel d’hiver. Elle est là pour ceux qui savent la voir.
Comment Alberto est sorti de sa prostration, comment il a compris que son désir pour la femme en noir était un désir de mort, je ne sais pas. Mais un jour l’ombre qui s’était appesantie sur sa vie s’est retirée. Je le croisai lors de l’un de ses concerts en Province, il avait rajeuni, il était calme. Il me serra dans ses bras affectueusement. Il travaillait beaucoup, il composait notamment et il s’était mis à chanter, un ancien rêve se réalisait. Pour le reste il attendait, il était disponible, libre à nouveau. Il vivrait sur le mode de l’attente et du souvenir.

Lieu de vie

Île-de-France, 92 - Hauts-de-Seine

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
  • Rencontres et lectures publiques
  • Ateliers d'écriture en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Ateliers / rencontres autres publics
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire