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Les écrivains / adhérents

Marie-Eve Sténuit

Roman / Jeunesse
photo Marie-Eve Sténuit

Marie-Eve Sténuit est née à Uccle, une commune de Bruxelles, le 15 mars 1955. Elle a étudié l’Histoire de l’Art et l’Archéologie à l’Université Libre de Bruxelles, ville où elle réside principalement aujourd’hui. Elle exerce la profession d’archéologue et d’écrivain. Ses activités scientifiques la conduisent tous les ans au Proche-Orient et elle participe également aux recherches historiques et aux fouilles sous-marines du GRASP (Groupe de Recherche Archéologique Sous-Marine Post-Médiévale). Elle passe également plusieurs mois par an en Indonésie, sur l’île de Bali, par amour pour l’art et la culture de l’Asie du Sud-Est. Entre ses voyages et la publication de ses fouilles, elle s’efforce de trouver le temps d’écrire des romans.

Mes thèmes préférés ? Il n’y en a pas. Ce qui me pousse à l’écriture, c’est l’envie de raconter des histoires. Des histoires de réussites improbables comme d’échecs inattendus, des histoires drôles ou bien tragiques. Peu importe où et à quelle époque elles se déroulent, ce qui compte pour moi c’est que ce soient des histoires fortes, sans tabou. Le résultat est une série de livres assez différents les uns des autres, me dit-on (personnellement je ne trouve pas, il y a, comme pour tous les auteurs, une part de moi dans chacun d’entre eux, mais je suis loin d’être un personnage monolithe). Je crois pouvoir dire aussi que mes romans ont tous un point commun : celui de faire la part belle à l’humour, quel qu’en soit le sujet, car je suis fermement convaincue qu’il n’y a que le rire qui sauve...

http://marie-eve-stenuit@iggybook.com/fr/
Bibliographie

– Les Frères Y, Le Castor Astral (Escales du Nord), 2005 (Prix du Parlement de la Communauté française 2008). Nouvelle édition revue et augmentée prévue pour fin 2013.
– La Veuve du gouverneur, Le Castor Astral (Escales des Lettres), 2007
– Le bataillon des bronzes, Le Castor Astral (Escales des Lettres), 2008
– Un éclat de vie, Le Castor Astral (Escales des Lettres), 2011
– Le tombeau du guerrier, Serge Safran éditeur, 2012

Extraits

Les Frères Y :
« Lisa se pencha au-dessus du berceau, regarda la petite tête à sa gauche et murmura : « Bonjour, Gian-Giuseppe ». Et, s'adressant à celle de droite, parfaitement identique : « Et bonjour, Giuliano ». Les nouveaux-nés étaient menus pour des enfants arrivés à terme mais ils avaient déjà tous deux de beaux cheveux noirs, épais et bouclés. Leurs visages de putti, encore fripés, étaient roses et sains. Tout à fait charmants.
Mais pourquoi la sage-femme les avait-elle emmaillotés ensemble ?
Quelque chose n’allait pas. Lisa le sentait. Pire : elle le savait. Elle l’avait vu, mais son cerveau terrifié n’avait pas parfaitement enregistré l’image. Elle se mit à transpirer.
Mario se tenait là, à son chevet, debout, silencieux, empoté, ne sachant que faire de sa grande carcasse d’ouvrier du bâtiment et arborant cet air à la fois triomphant et idiot de tous les nouveaux pères qui viennent d’avoir un fils. Lisa avait l’esprit confus, le corps brisé, le cœur déchiré et l’estomac au bord des lèvres. Elle était incapable de trouver les mots pour expliquer à son mari une situation qui lui échappait encore en partie à elle-même. Enfin, rassemblant son courage, elle se résolut à faire plus ample connaissance avec cette minuscule créature qu’elle avait entr’aperçue seulement, à l’instant de la délivrance.
Du bout de ses doigts tremblants, elle entreprit de déshabiller ses fils.
Libéré du tissu qui l’enserrait, Gian-Giuseppe écarta les bras, continuant à dormir, la tête en arrière, d’un sommeil paisible, rythmé par une respiration lente et régulière. Giuliano, au contraire, tenait les bras repliés sur sa poitrine et, la tête fléchie vers l’avant, semblait chercher refuge contre l’épaule de son frère tandis que son thorax était agité de temps à autre de soubresauts nerveux.
Jusque là, tout allait bien.
Malgré son anxiété, Lisa fut émue de les voir dormir ainsi, dans une proximité complice. « Comme vous allez vous aimer » songea-t-elle, « sans aucun doute ».
Elle poursuivit le déshabillage.
Et les choses se gâtèrent. »

Un éclat de vie :
« Mais à présent, il n’y a plus aucun bruit, pas même la symphonie des étoiles ou le crépitement des particules originelles. Et je ne peux en produire : j’essaie de parler mais rien ne sort de ma gorge. Je n’émets que des pensées et une pensée, cela ne fait aucun bruit.
Au fond, c’est une chance : imaginez que seul ait survécu le bruit de la craie qui crisse sur le tableau, ou celui du moteur de la Ferrari de Schumacher négociant ses tournants au Grand Prix de Monaco !
Et pourtant, curieusement, ce n’est pas non plus le silence...
Il n’y a rien, plus rien, mais je crois entendre sa voix.
Non. J’entends sa voix. La voix de M., mon amour. Ma douleur. Constamment. Je l’entends jour et nuit, si tant est que cette distinction ait encore un sens puisqu’il n’y a plus de soleil ni de lune pour rythmer le temps. Je l’entends sans cesse, du fond de ma mémoire, mais il y a quelque chose de bizarre. Je reconnais le timbre, l’intonation, l’inflexion, l’accent et la tonalité de sa voix, mais le débit me surprend. C’est un fleuve de mots ininterrompu, résolu et obstiné, que rien ne semble pouvoir arrêter, alors que les discours de M. n’ont jamais été plus impétueux que ne le seraient des perles de rosée instillées une à une dans mon oreille à l’aide d’un compte-goutte de cristal.
Nous n’avons jamais eu de ces conversations que l’on nomme « à bâtons rompus ». Nous ne rompions rien. Nous tressions au contraire des phrases délicates à partir de mots choisis, précieux et précis, comme autant de fils d’acier gainés d’or et d’argent. Plus le sujet était important, plus la tresse était courte et serrée. M. ne prononçait jamais une syllabe inutile. Il aurait été incongru de tenter de remplacer un de ses mots par un autre, plus encore de le faire répéter. Ce qui était dit était dit. Tout avait été pensé avant d’être formulé, de la manière la plus juste, et rien ne souffrait d’apostille. »

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu scolaire