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Alice de Poncheville

Roman / Nouvelle / Jeunesse / Contes
photo Alice de Poncheville

Dès son premier livre, Alice de Poncheville s’est aperçue que les histoires ne donnaient pas uniquement des clés sur le passé mais qu’elles influençaient l’avenir. Aujourd’hui, elle continue à réaliser des films courts et écrit des romans pour la jeunesse aux éditions de l’Ecole des Loisirs. Elle a publié un recueil de nouvelles aux éditions de l’Olivier. Elle pratique également la menuiserie.

Bibliographie

Littérature jeunesse
– « Le tamanoir hanté », roman, L’école des loisirs – Collection Neuf, Mars 2013
– « Mon Amérique », roman, L’école des loisirs – Collection Médium, Octobre 2012
– « Œufs bleus et compagnie », Recueil de contes
L’école des loisirs – Collection Neuf, Avril 2011
– « Le don d'Adèle », roman, L’école des loisirs – Collection Médium, Septembre 2010
– Thomas Glaçon, Roman, Editions de l’Ecole des Loisirs – Collection Neuf, Avril 2008
– Calamity Jane avait deux filles, Roman, Editions de l’Ecole des Loisirs – Collection Médium, Mai 2007
Prix de la ville de Sorgues 2008
– Grande saucisse et toute petite chose, Roman, Editions de l’Ecole des Loisirs – Collection Mouche, Mars 2007
– La Fille du loup maigre, Roman, Editions de l’Ecole des Loisirs – Collection Neuf, Octobre 2005
– Je suis l'arbre qui cache la forêt, Roman, Editions de l’Ecole des Loisirs – Collection Médium, Janvier 2004
Grand Prix du Livre jeunesse de la Société des Gens de Lettres
– Treize ans porte-malheur, Roman, Editions de l’Ecole des Loisirs – Collection Médium, Mai 2003
Prix Octogone 2003 du meilleur roman
– Popa, Moma et Moa, Roman, Editions de L’Ecole des Loisirs – Collection Neuf, Janvier 2003
Prix Jeunesse 2008 - Lire à Limoges

Littérature générale
– La Martre, recueil de nouvelles, Editions de L’Olivier, Septembre 2005

Extraits

Extrait de « Je suis l’arbre qui cache la forêt »
Roman - Collection Médium - Ecole des Loisirs
…/…
Nous habitons à la lisière de la forêt une maison neuve qui n’a jamais été achevée. Ma mère en a hérité de ses parents qui n’ont pas eu l’argent nécessaire pour la terminer. C’était dans leurs projets, mais pas dans ceux de la mort qui les a fauchés sur l’autoroute. Ils changeaient un pneu crevé. Personne ne leur avait dit que l’espérance de vie est de onze minutes sur la bande d’arrêt d’urgence de l’A4.
Jamais crépis, les parpaings gris sont maintenant verts. L’humidité qui vient de la forêt les a couverts de mousse. Les matins d’automne et d’hiver, le brouillard se frotte à nos murs, puis les nappes en suspension dans l’air montent lentement vers le ciel. Je crois que la brume est l’âme de la forêt et que, en s’élevant, elle nous salue et ouvre la journée. Quand le brouillard peine à se lever, je suis comme lui et j’arrive en retard au lycée. J’ai tenté de m’en servir comme excuse, mais ça n’a pas marché. Le surveillant devrait prendre quelques leçons de savoir-vivre avec les arbres.

Notre maison est la dernière du lotissement, légèrement à l’écart des autres. La route finit à cent mètres de la porte d’entrée comme si elle avait été trop paresseuse pour s’avancer jusqu’à nous. Quand il pleut, la boue s’agglutine par kilos sous nos chaussures et nous donne une démarche d’astronautes. Nous avons l’habitude de laisser nos moon-boots à l’entrée jusqu’au lendemain. La boue sèche se décolle alors comme un rien. Elle forme des blocs qui ressemblent à des fossiles dans lesquels sont gravées nos empreintes. Ma mère les collectionne et les expose sur les étagères du couloir. Les petites empreintes sur la planche du dessous ce sont celles de mes frères. Ils ont de tout petit pieds de six ans. Six ans tous les deux. Douze ans à eux deux. Ils sont jumeaux. Ma mère les a prénommés Patrick et Martin. Ce qui donne le plus souvent Trick et Tin, mais ensemble ils utilisent plus volontiers Toudu et Malon et je suis la seule à pouvoir les appeler de la sorte.

- Toudu papec migrou le pacri*.
- Prends les, ils sont sur la table de la cuisine.
- Qu’est-ce qu’il dit ? demande ma mère.
- Toudu n’a pas pris les gâteaux dans son cartable.
- Ce soir, George rapporter un bon manger.
- Maman, t’es pas obligée de leur parler comme ça ! Ils comprennent très bien ce que tu dis quand tu parles normalement.
- C’est que… Parfois, je me demande… Est-ce que je n’aurais pas loupé quelque chose dans l’éducation de ces gamins ?…
- Tant qu’ils parlent normalement à l’école, franchement, George, c’est pas un problème.
- T’as raison, mon Eli.
Dans la famille, il faut croire que nous avons tous une petite coquetterie avec les prénoms. Deux au minimum par personne et des susceptibilités qui interdisent parfois l’emploi de l’un ou de l’autre. Ma mère s’appelle George. Du moins, c’est ainsi que nous l’appelons. Une variation de Georgina, son véritable prénom, qu’il est interdit d’utiliser. Georgie ou Georgia étant tolérés.

Comme tous les matins, George nous fait un de ses baisers collectifs, une embrassade où nous nous serrons tous les trois contre elle comme des joueurs de rugby. Ses grands bras refermés sur nous, nous emmagasinons son odeur, sa chaleur et sa force pour affronter la journée, puis elle nous pousse vers la sortie avec un léger soulagement. Nous traversons la boue jusqu’au macadam et les garçons remettent leurs pas dans les empreintes qu’ils ont laissées la veille.
…/…

*Voir Glossaire à la fin de l’ouvrage


Extrait de « L’homme aux poupées »
Nouvelle tirée du recueil « La martre » - Editions de l’Olivier
…/…
Dans l’atelier, je sens à nouveau l’odeur du bois comme je ne l’avais plus sentie depuis longtemps. Elle m’enveloppe, jette sur moi son filet poudré de fines particules, son voile impalpable. Je suis profondément rassuré. Depuis mon adolescence, je vis avec elle. C’est l’odeur qui a remplacé celle de mon enfance. La deuxième odeur du monde.
Je passe le bout des doigts dans la poussière des machines éteintes. Franck n’a pas retiré la sciure des tables métalliques et n’a balayé que très sommairement. Mais c’est déjà bien pour un gars de dix-sept ans. Je ne lui dirai pas de faire mieux comme je ne l’encouragerai pas à se lever une heure plus tôt. À son âge, les heures du matin sont précieuses. À son âge, on ne devrait pas travailler, on devrait nager dans des rivières fraîches, se battre pour l’amour des filles, lire des romans d’aventures.
Le carnet de commande est rempli. Huit portes pour la ferme des Malières qui vient d’être rachetée, une bibliothèque pour la mairie de Saint-Ginian, un plateau de table pour Philibert, un plan de travail et une desserte pour le restaurant de Cabéan. Et aussi, la petite étagère de Myriam.
La petite étagère qu’elle m’a demandée avec un sourire.
Considérant la somme de travail, j’attends Franck, mon cher prétexte. Pour le moment, il y a quelques planches de 27 qui attendent leur tour depuis des lustres. Du hêtre légèrement jauni qui retrouvera bientôt sa blancheur. Parfait pour la petite étagère. J’allume la dégauchisseuse.
Ils venaient de repeindre la maison quand Myriam me l’a commandée. Elle la voulait là, au-dessus du secrétaire de sa chambre. La fenêtre était grande ouverte pour chasser les dernières odeurs de peinture. Un souffle d’air frais l’a fait frissonner. Elle a posé les mains sur la poignée, sans refermer la croisée. La colline était douce, violette et brune. Les châtaigniers n’avaient pas de feuille. Un merisier à la forme biscornue, couvert de fleurs, se détachait sur la montagne comme un nuage tombé trop bas. Lorsque Myriam s’est retournée vers moi, elle avait quelque chose de triste dans les yeux. J’aurais voulu la prendre dans mes bras, la rassurer comme seul Jean avait le droit de le faire. Il n’y a rien de pire qu’un ami d’enfance, on ne peut tout simplement pas le trahir.
La planche a perdu ses taches jaunes et son aspect rugueux. Il y a un moment que je n’ai pas travaillé ce bois. Je le soupèse et je retrouve la densité du hêtre, son poids. Je ne peux m’empêcher de passer la main sur la longue flamme beige qui s’étire de façon parfaitement symétrique. Ce sera le parement de l’étagère supérieure. Mais qui s’en apercevra ?
Sur le mur là-bas, au-dessus du bureau, face au lit, la petite étagère prend déjà la poussière.
La première fois que j’ai vu Myriam, elle se tenait légèrement en retrait de Jean. Ses yeux observaient tout, un très léger sourire animait sa bouche. J’ai tout de suite eu envie d’être au plus près d’elle, de sentir sa chaleur, son haleine. J’aurais pu toucher ses cheveux, inspirer assez profondément pour emmagasiner sa présence. À côté d’elle, Jean gesticulait. Il racontait leur rencontre comme s’il s’était agi d’un exploit physique. C’était écoeurant. Mon cerveau retournait le geste que j’aurais pu avoir : je m’approchais d’elle, saisissais fermement sa main. Alors, nous partions.
Combien de temps Jean compte-t-il afficher son bonheur ? Sa femme est merveilleuse, mais rien ne dit qu’elle sera toujours la sienne. Non, rien.
L’idée de leur séparation me soulage un instant. Il me semble que la lumière est un peu plus claire dans l’atelier. En cette saison, le soleil est dans la trajectoire des verrières hautes. J’engage la deuxième planche dans la dégauchisseuse. Des copeaux blancs tombent en cascade sur les copeaux brun clair. De fines particules de bois volètent dans les rayons. L’un d’eux se détache, comme alourdi. Il m’aveugle. Ma peau se couvre de piquants. L’odeur du bois s’efface. La planche heurte le guide. La machine me jette à la figure un bruit de métal contrarié. L’éclat de lumière rebondit contre la table en acier. Il s’est refroidi, tombe sur mon corps comme la lame d’une guillotine. Je tire les bras vers moi. La machine résiste, s’arrête à contrecœur. Un coup dur résonne en même temps qu’une douleur inconnue. Il y a un rouge effrayant comme les braises de l’enfer et que je ne peux pas fuir ; il y a des morceaux de chair blanche ; il y a mon corps totalement étranger ; il y a la sciure qui s’envole dans les rayons qui fendent l’atelier ; il y a le bâtiment lui-même. Mais je ne suis pas sûr que tout cela existe.

La première chose que j’ai sentie a été le froid dans mes pieds. Puis j’ai eu tout à fait conscience de revenir à la vie. Je me réveille, je bouge doucement mes orteils. Cette surface plane, tiède, pas trop dure : je suis dans un lit. Des ondulations molles occupent mon cerveau, elles se déroulent puis s’évaporent. J’aime observer ces dissolutions. … /…

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
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