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Les écrivains / adhérents

Anne Sibran

Roman / Jeunesse / Théâtre / BD / Récits
photo Anne Sibran

Née en 1963. Etudes de philosophie, ethnologie, apiculture, botanique et quechua.

J’aime les rebords, les terrains vagues, les quiproquos du regard, l’indéfini, l’imprécis, ce qui ne se laisse pas attraper. Ce qui me résiste, et me résiste encore après que j’ai tenté de l’écrire. J’aime les lisières. Toutes les lisières. Que je visite comme des pays. Le pays chimérique de mon père : Bleu figuier, les limbes brumeux de la folie : Ma vie en l’air, et ces terres de sauvageries aux heures du chien et loup : Je suis la bête.
Pendant trois ans, j’ai appris le Quechua (langue indienne parlée au Pérou, en Bolivie et en Equateur), une expérience bouleversante quand j’ai découvert que cette langue orale, ondulante et précieuse, avait « un temps de l’invisible » capable de saisir ce qui chez nous n’est même pas prononcé... Après une mission Stendhal en Bolivie, Pérou et Equateur, je suis partie habiter en Equateur, à Quito, d’où je pars régulièrement vivre dans des communautés indiennes... Tous ces lieux où la lisière tient ainsi sa propre voix...

http://www.anne-sibran.com
Bibliographie

Littérature
– Bleu-Figuier. Editions Grasset. 1999.
– Ma vie en l’air. Editions Grasset. 2002.
– Je suis la bête, Editions Gallimard, collection Haute Enfance. 2007.
– Le Monde Intervalle Panama. 2008
– Dans la montagne d'argent, Grasset, 2013
– Enfance d'un chaman, Gallimard, 2016 - Prix écriture et spiritualités, 2018

Jeunesse
– Hugo et les lapins. Rageot Editeur 1989
– Le cloune et la belle cuillère. Milan 1991
– Les bêtes d’ombre. Gallimard. 2010

Bande dessinée
– La Terre sans mal. Editions Dupuis. Dessin Emmanuel Lepage. 2000. (Prix des libraires, Grand prix de la ville de Sierre, Prix Valeurs humaines Angoulême 2001.)
– Le quartier évanoui. (Prix du festival de Brignais) Editions Glénat. Dessin Didier Tronchet. 2002.
– Là-bas. (Prix Uderzo, Prix de la ville de Sierre) Editions Dupuis. Dessin Didier Tronchet. 2004.
– Ma vie en l’air, adaptation, dessin Didier Tronchet. Editions Dupuis.2005

Fictions radiophoniques (France Culture)
– Mwalukundo, le chasseur de mémoire. 2003.
– Le carillon de la montagne Tong Son. 2006
– La Reine Didon (in Perspectives Contemporaines).2007
– Je suis la bête in Perspectives Contemporaines, 2007
– Les bêtes d’ombre. Conte radiophonique, Enfantines 2007.
– Géographie du purgatoire, feuilleton, 2016

Théâtre
Adaptations de « Je suis la bête » :
Lecture publique par Christine Boisson dans le cadre du festival SACD-France Culture, en juin 2007
Lecture publique au Festival de Sarans (Orléans) : Text’Avril le 3 avril 2008
Adaptation théâtrale de Michel Dydim, lu par Romane Boringer à la Moisson d’été en juillet 2008
Traduction en allemand pour une lecture publique dans le cadre du festival de Théâtre Européen de Halle (Berlin) en Mai 2008
Lecture publique par Muriel Mayette à la Comédie Française dans le cadre du festival des écritures contemporaines, en novembre 2008

Collectifs
– « Paroles du père », collectif dirigé par Leïla Sebbar 2007.
– « Enfants de tous les temps, enfants de tous les pays ». Gallimard, 2010

Extraits

Mon père avait une douleur, qui le prenait parfois, lui tenaillait l’épaule, puis subitement s’éteignait. Ce n’était pas l’articulation, un premier signe de vieillesse, parce qu’il se souvenait qu’elle l’avait suivi depuis l’enfance, et toute sa vie durant.
Un jour, ça enfla, il fallut opérer. Lorsqu’on incisa la grosseur, on découvrit un jumeau : le fœtus inachevé du frère qu’il avait absorbé, et digéré déjà dans le ventre de sa mère. C’était un phénomène très rare, mais que la médecine connaissait. C’était surtout la confirmation que mon père était un ogre, ce que je pressentais déjà.
Je retrouvais surtout ce qui rendait le monstre si attachant à mes yeux, la trace de cette conscience sourde et active, mémoire lancinante de celui qui n’avait pas vécu, et que mon père s’était pourtant appliqué à porter au lieu de s’en défaire, ce qui arrivait le plus souvent à en croire les médecins.
Mon père m’a transmis le « syndrome de l’ogre » : l’art de porter des vies possibles, douleurs étranges, par ci, par là, et qui remontent tout à coup s’arrondir sous ma peau.
Mais l’écriture n’incise rien, elle se contente de « prêter ventre », à s’arrondir comme une grotte autour du mystère, des fois qu’il voudrait éclore, ou encore se gonfler.

In Le monde Intervalle, Panama 2008

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Un jour, ils m'ont poussée dans un placard, puis ils ont refermé la porte. Et je ne les ai jamais revus. Ni la femme qui m’a sortie de son ventre. Ni l'homme qui me portait un peu.
Est-ce que j’avais crié trop fort ? Ou peut-être ils ne pouvaient plus me nourrir. S’il n’y a qu’une chose de sûre, c’est qu’ils m’ont oubliée.

J'avais deux ans. Parce qu’ils m’avaient donné un nom, quand même, que d’autres trouveront plus tard en fouillant des papiers. Un nom sans adresse ni maison, laissé au hasard d’un village par ces deux-là, qui n’avaient que leurs jambes et cette longue faim qu’ils traînaient sous le ciel, asseyaient sur une pierre à un feu de cartons.

Je crois que je les ai appelés. Je savais un peu parler à l’époque. Mais je n’ai pas trouvé les mots pour qu’ils m’entendent. Car ils sont restés encore un moment à côté de ma porte, dans la maison abandonnée. C'est de ces choses dont je me souviens par le bout de mes ongles. Je les entendais marcher. Je savais même quand ils dormaient, à leurs respirations.
Jamais je n'aurais gratté sans tous leurs bruits derrière. Gratté à m'en bistourner les ongles, les faire pousser à rebrousse doigts.

On peut m'en dire et m'en dédire mais il y a des choses que je sais sans les mots, par le fond de mon corps. Comme quand je touche une de mes blessures de chasse. Je sens la bête qui m’agriffe, la branche qui me perce. Tout revient aussitôt.

Pour me rappeler le placard, il suffit que je frotte dessous mes griffes rondes, aux cicatrices roses des phalanges raccourcies. Alors je revois deux mains folles en train de supplier le bois, le fouiller jusqu'à l'os. Avec le corps pendu derrière, comme un petit chiffon.

In Je suis la bête. Gallimard. 2007

Lieu de vie

Auvergne-Rhône-Alpes, 69 - Rhône

Types d'interventions
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