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Les écrivains / adhérents

Dominique Noguez

Roman / Nouvelle / Essais / Scénario
photo Dominique Noguez

Né en 1942 à Bolbec (Seine-Maritime) d’un père biarrot et d’une mère normande. Entre en 1963 à l’École normale supérieure (et en sort). Études de philosophie (avec, notamment, Vladimir Jankélévitch) et d’esthétique. Agrégation (1967) et doctorat d’État (1983). Écrit dans la N.R.F., Les Cahiers du cinéma, et divers autres lieux dont la Gazette de Biarritz et La Revue d'esthétique (qu'il dirige plusieurs années).
Outre quelques livres sur le cinéma (notamment expérimental) et un Tombeau pour la littérature (qui comprend une étude sur le silence), il publie M & R (roman mince), Ouverture des veines et autres distractions (textes), Les Trente-six Photos que je croyais avoir prises à Séville (espagnolade), Les Derniers Jours du monde (593 pages, roman total, porté à l’écran en 2009 par les frères Larrieu) et Comment rater complètement sa vie en onze leçons (interprétées en 2008 à la télévision par Jacques Dutronc).
A aussi écrit un cycle d’« Études plus ou moins sçavantes » (Les Trois Rimbaud, Lénine dada, Sémiologie du parapluie et autres textes, La Véritable Histoire du football & autres révélations), des textes de morale et de politique (La Colonisation douce, Aimables quoique fermes propositions pour une politique modeste) et des traités sur l’humour (L’Arc-en-ciel des humours, L’Homme de l’humour).
La couleur noire lui réussit. En 1997, il obtient le prix Femina pour son roman Amour noir et, en 1999, ses Cadeaux de Noël, publiés chez Zulma, obtiennent le Grand prix de l’humour noir.

Photo : Stéphane Zagdanski

Bibliographie

Romans
– M & R, Robert Laffont, 1981; 2e éd. revue et augmentée, Éd. du Rocher, 1999
– Les Derniers Jours du monde, Robert Laffont, 1991 ; 2e éd., 2001
– Les Martagons, Gallimard, coll. “l’Infini”, prix Roger-Nimier 1995 (Folio n° 3614)
– Amour noir, Gallimard, coll. “l’Infini”, prix Femina 1997 (Folio n° 3262)
– L’Embaumeur, Fayard, 2004 (Livre de Poche n°30561, 2006)

Récits
– Les Deux Veuves, la Différence, 1990
– Les Trente-six Photos que je croyais avoir prises à Séville, Maurice Nadeau, 1993
– Saut à l’élastique dans le temps, le Mercure de France, coll. «Petit Mercure», 2002

Études plus ou moins savantes
– Les Trois Rimbaud, Éditions de Minuit, 1986
– Lénine dada, Robert Laffont, 1989 ; 2e éd. Le Dilettante, 2007
– Sémiologie du parapluie et autres textes, la Différence, 1990
– La Véritable Histoire du football & autres révélations, Gallimard, 2006

Nouvelles, aphorismes & autres
– Dandys de l’an 2000 [sous le pseudonyme de “Collectif Givre”], Hallier, 1977 ; rééd. [sous le nom de D. N.], avec un av.-propos et les fragments d’une suite : Éd. du Rocher, 2002
– Ouverture des veines et autres distractions, Robert Laffont, 1982 ; rééd. : PUF, 2002
– Le Retour de l’espérance, le Temps qu’il fait, 1987
– Derniers Voyages en France, notes et intermèdes, Champ Vallon, 1994
– Je n’ai rien vu à Kyoto — Notes japonaises (1983-1996), Éd. du Rocher, 1997
– Cadeaux de Noël, historiettes, maximes, dessins et collages, Zulma, 1998, Grand Prix de l’humour noir 1999
– Immoralités suivi d’un Dictionnaire de l’amour, Gallimard, coll. “l’Infini”, 1999
– Écrit en 1968, Joca Seria, 1999
– Comment rater complètement sa vie en onze leçons, Payot & Rivages, 2002; rééd Rivages Poche / Petite Bibliothèque n° 438, 2003
– Vingt choses qui nous rendent la vie infernale, Payot & Rivages, “Manuels Payot”, 2005
– Avec des si (avec des dessins de Selçuk Demirel), Flammarion, 2005
– Œufs de Pâques au poivre vert, Zulma, 2008

Essais
– Essais sur le cinéma québécois, Montréal, Éditions du Jour, 1970
– Le Cinéma, autrement, 1977; 2e édition : Éditions du Cerf, 1987
– Éloge du cinéma expérimental, Centre Pompidou, 1979; 2e éd. très augmentée : Paris-Expérimental, 1999, Prix du livre art et essai 2000
– Trente ans de cinéma expérimental en France (1950-1980), A.R.C.E.F., 1982
– Une renaissance du cinéma — Le Cinéma “underground” américain, Méridiens- Klincksieck, 1985; 2e éd. : Paris-Expérimental, 2002
– Tombeau pour la littérature, la Différence, 1991
– La Colonisation douce, carnets, Éd. du Rocher, 1991; 2e éd. augmentée en Arléa-Poche, 1998
– Aimables quoique fermes propositions pour une politique modeste, Éditions du Rocher, 1993
– Ce que le cinéma nous donne à désirer — Une nuit avec la Notte, Liège, Yellow Now, 1995
– L’Arc-en-ciel des humours — Jarry, Dada, Vian, etc., Hatier, 1996; 2e éd. Livre de poche Biblio Essais, 2000
– Les Plaisirs de la vie, Payot & Rivages, “Manuels Payot”, 2000; rééd Rivages Poche / Petite Bibliothèque n° 353, 2001
– Le Grantécrivain & autres textes, Gallimard, coll. “l’Infini”, 2000
Duras, Marguerite, Flammarion, 2001
– Houellebecq, en fait, Fayard, 2003
– L’Homme de l’humour, Gallimard, coll. “l’Infini”, 2004
– Dans le bonheur des villes : Rouen, Bordeaux, Lille, Éd. du Rocher, 2006

Traductions et entretiens
– Entretiens avec Marguerite Duras (1983), imprimés et vidéographiés, Paris, Ministère des relations extérieures, Bureau d’animation culturelle, 1984; rééd. La Couleur des mots, Benoît Jacob, 2001
– Épigrammes de Martial (présentation, choix et traduction), la Différence, 1989; 2e éd. augmentée, Arléa, 2001
– Ciné-Journal (1959-1971) de Jonas Mekas (préface et traduction), Paris Expérimental, 1992

Films
– Tosca (1978), 16mm, couleur, sonore, 20’
– Fotomatar (1979), 16mm, couleur, sonore, 12’
– Una vita (1979-84), 16mm, couleur, sonore, 5’

Extraits

Début d'"Amour noir" (1997)

Ce soir-là, elle m’avait dit quelque chose de si dur et qui témoignait d’une si tranquille volonté de faire mal que, comme surprise elle-même de sa propre cruauté, elle s’était arrêtée net au milieu de sa phrase. Alors, passées les premières secondes d’incrédulité puis de douleur, j’avais pris son visage entre mes mains et l’avais fixée intensément. Elle n’avait pas cillé, et soutenait silencieusement mon regard. Jamais je n’avais regardé ses yeux de si près, si longuement, si avidement. Ils étaient d’un brun foncé, presque aussi sombres que leur pupille. Je ne pourrais pas écrire que je la regardais au fond des yeux car ces yeux-là n’avaient pas de fond. Ils n’étaient qu’une surface noire, désespérément opaque, des yeux inhumains, de rapace ou de lynx, d’une dureté de marbre ou de météorite, des yeux qui me regardaient mais ne me voyaient pas, qui ne m’aimaient pas, qui ne m’aimeraient jamais, qui n’aimaient ni n’aimeraient jamais personne, des yeux d’un autre monde. Et je m’étais dit, tandis que la buée des larmes commençait à brouiller ma vue et à me voiler leur éclat terrible, que par ces yeux-là j’aurais désormais beaucoup à souffrir.


Début de "L'Homme de l'humour" (2004)

L'homme de l'humour, ce serait Socrate s'il avait été beau, saint Martin s'il avait donné la moitié non de son manteau mais de sa peau, Gengis Khan s'il était mort d'amour, la Joconde si elle avait vraiment porté la moustache, Descartes s'il n'avait pas inventé le cogito mais la nitroglycérine, Shakespeare s'il avait été nègre, saint Vincent de Paul s'il avait été parachutiste en Algérie (en ayant, tout de même, un peu honte), Voltaire s'il avait fini archevêque, la comtesse de Ségur si elle était l'auteur de Justine, la Petite Sirène si elle avait eu une queue de langoustine, Érik Satie s'il avait composé les opéras de Wagner, Landru s'il avait connu la cuisinière électrique, Glenn Gould si après une fausse note il s'était coupé une main en direct à la télévision, Jacques Rigaut s'il ne s'était pas tiré une balle dans la tête, les frères Goncourt s'ils s'en étaient tiré une (pour deux), Dieu s'il existait, moi si je n'étais pas moi, vous si vous n'étiez pas vous ni présentement en train de me lire.
Bref, l'homme de l'humour est hautement improbable.
L’erreur la plus marécageuse est d'en faire le synonyme de « gondolant », un article du rayon farces & attrapes. Car si l'humour peut se glisser par hasard dans l'électricité des rires, il le peut tout autant dans les sanglots, la fatalité, le drame. L'homme de l'humour porte même plus volontiers le cothurne tragique que l’escarpin comique (même s’il sait, à l’occasion, les échanger perversement). La phrase de Barbey d’Aurévilly sur Les Fleurs du mal et sur À rebours (économe, le coquin de Normand servit, en effet, le même potage à Baudelaire et à Huysmans) semble faite pour lui : « Après un tel livre, il ne reste plus à l’auteur qu’à choisir entre la bouche d’un pistolet ou les pieds de la croix. » Mais lui ne choisit pas : il prend les deux; il se jette aux pieds de la croix et se tire une balle en même temps — en éclatant de rire.
L'humour est chose grave, c'est la chose la plus grave, c'est la seule chose grave. Car, s'il est véritablement déclenché et véritablement compris, il embrasse le tout de l'humaine grandeur et de l'humaine détresse. Il est solaire et, en même temps, de la nuit la plus noire.

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire