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Les écrivains / adhérents

Marie-Thérèse Schmitz

Roman

Marie-Thérèse Schmitz a déjà publié deux romans dans la célèbre, et prestigieuse, collection Blanche de Gallimard, L’Amour du diable (2002) et Nu à la chaise (2010).
Son travail mérite toute l’attention, car il laisse entendre une voix singulière dans l’espace du roman contemporain. A rebours de la tentation, facile, de l’auto-fiction, et d’une certaine délectation du banal, ses romans mettent en scène des histoires littéralement extra-ordinaires (une passion adolescente ; une tragédie familiale), mais sans spectaculaire, ou d’un spectaculaire de basse intensité. Son regard est singulier lui aussi, et original, qui concentre son attention, à rebours des clichés, sur la violence intime qui soude, plus qu’elle ne déchire, les familles. La question de l’identité est centrale aussi dans son interrogation, qui fait toujours le détour par l’étrange et l’étranger – homme ou pays – pour mieux se définir, à la fois constamment en marge et pourtant intimement relié aux autres, aux paysages, aux choses, aux êtres, qu’elle campe dans une mise en scène âpre et puissante, non pas réaliste ou vériste, mais simplement vraie.
Enfin, sa voix – sa prose et son rythme – reconnaissable entre toutes, et remarquée dès la publication de son premier roman, fait d’elle une des grandes prosatrices de la littérature actuelle, et sûrement l’une des plus novatrices.
Pourtant, malgré ses immenses qualités, les romans de Marie-Thérèse Schmitz peinent à élargir leur lectorat au-delà d’un cercle d’amateurs éclairés et convaincus de son talent. Pour cette raison, et pour celles évoquées ci-dessus, je ne peux que recommander sa candidature à une résidence d’auteur où elle trouvera l’opportunité et les conditions idéales pour travailler à son prochain roman, préservée des inquiétudes du quotidien et à l’abri des sollicitations parasites du monde.

Christian Michel
Maître de Conférences en Littérature comparée à l’Université de Picardie–Jules-Verne

Bibliographie

L’amour du diable, 2002 - Gallimard collection Blanche

Extraits

Ces extraits sont issus du roman « L’amour du diable » publié en 2002.

« La jalousie vient pour la deuxième fois. Une jalousie tenace mauvaise. L’enfer en plein été. Un été lumineux, obscurci par les nuages noirs de ma jalousie.

Le matin j’arrivais tôt, huit heures. L’heure d’être à l’école. Lui c’était mon école à moi. »

« Mes parents allaient au marché tous les samedi matin. Comme j’étais censée être dans telle ou telle ville avec l’équipe de handball, je ne pouvais m’y rendre. Que nous serions-nous dit si je les avais rencontrés ? Je restais donc la plupart des samedi matin enfermée.
Je me postais à la fenêtre pour observer les gens qui débouchaient des ruelles sombres et humides, leurs paniers chargés de fruits et légumes, de fromages qui venaient d’Italie, de petits vins de pays, de viande d’agneau de veau, nourris sous la mère. Les gens malchanceux qui n’avaient pas trouvé de place sur les grands parkings, qui s’étaient garés loin du marché et qui rejoignaient leur voiture en claudiquant, penchés du côté du poids.

Un matin je les aperçus, eux, mes parents malchanceux. Mon père marchait doucement car après son accident il se mit à boiter. Je ne me souviens pas de mon père marchant normalement, sans boiter, même un peu.
Ils avaient garé la voiture loin si loin de la place et ils étaient seuls pour porter les paniers chargés. Je les regardaient de là-haut, de ma fenêtre, s’ils levaient les yeux ils pourraient m’apercevoir et la supercherie prendrait fin. J’en serais soulagée et je reviendrais près d’eux. Je porterais les paniers pour eux claudiquerais à leur place sous le poids sous le fardeau. Je reviendrais près d’eux, moi leur fille. Mais ils ne levèrent pas la tête, ils la baissaient sous le poids des paniers, sous le poids de leur vie. Leur petite vie humble humble ici où ils se sentiraient toujours redevables à ce pays qui avait accueilli ma mère, donné du travail à mon père, et qui faisait qu’ils s’écrasaient s’aplatissaient.
Ils mirent les paniers dans le coffre ;des fromages qu’ils avaient achetés pour me faire plaisir, du foie d’agneau pour me fortifier, des œufs frais pour faire cuire à la coque, trois minutes, comme j’aimais, car ils ne savaient plus quoi faire pour me faire plaisir pour me garder pour me montrer combien ils m’aimaient.
Ils n’avaient pas levé la tête. Jamais ils ne la lèveraient pour voir où j’étais. J’avais disparu.
Et je les vis prendre leur place dans la voiture aux vitesses automatiques pour ne pas fatiguer la jambe de mon père. Et je les vis, eux, deux solitudes, assis dans une boîte en fer qui roulait vers une plus grande solitude encore, et je pleurai. Pour cette peine que je leur faisais pour les mensonges. Mais je n’y pouvais rien changer, rien. Il y avait mon école à moi. »

« La vie ça peut vite basculer. Une petite erreur et vous êtes marqué à jamais. A courir après votre destin qui a mal démarré. Ca ne cherche pas à comprendre. Il y a un cadre. Hors du cadre, on ne fait plus partie de rien. On fait cavalier seul sur une plaine noire qui est la vie à venir, endeuillée à jamais. Rien ne vous est excusé.
La folie des humains demeure obscure… Et l’on voit sur la plaine noire des destinées les cavaliers seuls portant le fardeau de leur obscure folie. L’amour fait partie de l’obscure folie. Il en est le moteur le noyau caché. Le noir secret clos à jamais. A jamais.
Et les cavaliers errent.
On ne se parlait pus. On se croisait sans se regarder. Les yeux baissés vers la honte. La Honte. »

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
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