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Éducation artistique

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L'écrivain en classe, texte de Véronique Pittolo

Texte rédigé lors des ateliers d’écriture animés en 2006 dans les établissements suivants : – Ecole de Seynes à Dammarie les Lys (deux classes de CP et deux classes de CE1). – Collège Albert Camus de Brunoy (une classe de 6ème). Dans le cadre de l’opération «Poète dans la classe» : – Collège Le Parc, Aulnay sous bois (une classe de 5ème).

L’écrivain en classe

L’écrivain en classe est une sorte d’extraterrestre.

Il est seul et il vient d’ailleurs.
Au lycée, au collège, à l’école, il arrive.
Sur le seuil, dans le couloir, dans la classe, voici l’écrivain.

Vous voyez qu’il n’est pas un vieillard à barbe blanche qui jette
des boulettes de papier derrière lui.
Il n’est pas riche, non, il ne passe pas à la télévision non plus.
Homme ou femme, vivant dans le monde d’aujourd’hui, citoyen actuel,
l’écrivain a les préoccupations de tous.
Il lui arrive de descendre la poubelle le soir.
Non, il ne vit pas dans une mansarde ni ne se chauffe,
l’hiver, devant un poêle à bois.
Oui, il prend des vacances, comme tout le monde, et pratique éventuellement
un sport. A la piscine, on ne le remarque pas au milieu des autres baigneurs.
Un écrivain en maillot de bain n’a rien de spécial, il nage plus ou moins bien,
c’est tout. Il trouve des phrases toutes faites, parfois, en sortant de l’eau.
L’écrivain écrit tout le temps : dans sa tête, en vélo, dans le métro,
à la piscine.
Sous la douche, parfois, ça lui prend.

Lorsqu’il se rend dans une classe pour la première fois,
il part à l’aventure, à la rencontre d’élèves qu’il ne connaît pas.
C’est une expérience qui lui permet de transmettre son savoir
et son enthousiasme.
Une expérience, une exploration.
L’atelier d’écriture permet à l’écrivain de déplacer son attention,
de son œuvre vers autrui, de quitter sa table pour faire naître
le désir d’écrire chez l’autre.
L’autre est cet inconnu de 12 ou 15 ans, fille ou garçon,
dans une classe de français.
Peu à peu, l’écrivain et les élèves vont s’apprivoiser, briser des idées reçues
(non, l’écrivain n’est pas connu, non il ne passe pas à la télévision,
non il n’est pas riche…).

Il arrive que l’écrivain ait des enfants, qu’il soit marié, n’ait pas la barbe
blanche de Victor Hugo, et les élèves n’en reviennent pas.
Il fait passer le désir de lire et le plaisir d’écrire, dit que l’un ne va pas
sans l’autre, et les élèves le croient.
Il communique un élan, soutient, encourage, propose.


Tout ce que l’écrivain apporte, l’élève peut le prendre :
des mots qui ont l’air nouveaux alors qu’ils sont depuis des siècles
dans le dictionnaire, des expressions, des repères,
des agencements inédits.
L’écrivain persuade l’élève qu’il peut écrire un poème, là,
maintenant, tout de suite.
Lu, le poème prend une autre dimension et l’élève est ravi.
Ses camarades aussi sont contents, et le professeur aussi.
Dans le moment bref de la lecture et de l’attention, de la captation,
a lieu un transfert, un transfert collectif de bonheur et de liberté.
C’est ce que l’écrivain souhaite quand il arrive en classe,
c’est ce qu’il réussit parfois.

Dans ce trajet qui le porte d’Aulnay-sous-Bois à Bonneuil-sur-Marne,
de Brunoy à Dammarie-les-Lys, l’écrivain explore l’Ile-de-France, de
classe en classe.
Il voit beaucoup d’élèves et rencontre des professeurs sympathiques.
Un courant passe, unique et précieux, un flux d’idées, de poèmes, de sons.
Un rythme.
L’atelier d’écriture est un rythme.
Un rythme qui n’a rien à voir avec les journaux et la télévision.

A la fin de l’atelier, l’écrivain n’est plus un extraterrestre.

Véronique Pittolo, écrivain