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Les écrivains / adhérents

Jean-Marie Laclavetine

Roman / Nouvelle / Essais / Théâtre / Récits
photo Jean-Marie Laclavetine

Romancier et nouvelliste, Jean-Marie Laclavetine est membre depuis 1990 du comité de lecture des éditions Gallimard. Il a obtenu divers prix littéraires dont le prix Goncourt des Lycéens en 1999 pour Première ligne et le Grand Prix de la nouvelle de l’Académie française pour Le Rouge et le Blanc, un recueil de nouvelles consacré à l’univers du vin. Il est également traducteur d’italien. Avec l’équipe du Centre André-Malraux de Sarajevo dirigé par Francis Bueb, il participe chaque année en Bosnie à l’organisation de Rencontres européennes du livre. Son dernier roman, Nous voilà (Gallimard), est une épopée grinçante retraçant les errements d’une génération, depuis l’enlèvement de la dépouille du Maréchal Pétain à l’île d’Yeu en 1973 jusqu’à l’élection présidentielle de 2007.

Photo : C. Helie - Gallimard

Bibliographie

– Les emmurés, roman (Gallimard, 1981), prix Fénéon.
– Loin d'Aswerda, roman (Gallimard, 1982), prix littéraire de la Vocation.
– La maison des absences, roman (Gallimard, 1984)
– Donnafugata, roman (Gallimard, 1987) prix Valery-Larbaud.
– Lundi matin, 11 heures (argument pour une chorégraphie de J.C.Maillot, Création à Tours 1988)
– Conciliabule avec la reine, roman (Gallimard, 1989)
– Hôtel Yalta, nouvelle, en collaboration avec Daniel Pennac, in Le
voyage à l'Est (Balland, 1990)
– En douceur, roman (Gallimard, 1991), prix François-Mauriac. Folio n° 2529.
– Rabelais, essai (éditions Christian Pirot, 1992)
– Gens d'à côté (éditions Christian Pirot 1992), sur des photos de Jean Bourgeois.
– Bêtes noires (argument pour une chorégraphie de Jean-Christophe Maillot. Création par les Ballets de Monte-Carlo, 1993)
– Richard Texier, mon cousin de Lascaux, sur des peintures de Richard Texier (Editions du Cygne, 1993)
– Le Rouge et le Blanc, nouvelles (Gallimard, 1994), grand prix de la Nouvelle de l'Académie Française. Folio n° 2847
– Demain la veille, roman (Gallimard, 1995). Folio n° 2973
– Port-Paradis, roman, en collaboration avec Philippe Chauvet (Gallimard, « La Noire », 1997)
– Les dieux de la nuit, sur des peintures et objets de Richard Texier (Le Temps qu’il fait, 1998)
– Ecriverons et liserons, dialogue en vingt lettres avec Jean Lahougue (Champ-Vallon 1998)
– Première ligne (roman, Gallimard, 1999), Prix Goncourt des Lycéens. Folio n° 3487
– Le voyage au Luxembourg (théâtre, Gallimard ,2000, pièce créée au Théâtre National de Chaillot en janvier 2000 avec Miou-Miou)
– Œil pour œil (argument pour une chorégraphie de JC Maillot, création par les Ballets de Monte-Carlo, 2001, reprise en 2005)
– La Loire, mille kilomètres de bonheur (éditions National Geographic, 2002)
– Le pouvoir des fleurs (roman, Gallimard, 2002). Folio n° 3855
– Train de vies (nouvelles, Gallimard, 2003). Folio n° 4156
– Matins bleus (roman, Gallimard, 2004) Folio n° 4344
– Petit éloge du temps présent (essais, Folio inédit, 2007)
– Richard Texier – Soleil au Nord (Le Temps qu’il fait, 2007)
– Jean-Christophe Maillot, d’une rive à l’autre (Somogy, 2009)
– Nous voilà, roman (Gallimard, 2009)

Traductions de l'italien: oeuvres de Brancati, Borgese, Volponi, Sciascia, Moravia, Savinio…

Extraits

Extrait de (Matins bleus, Folio n°4344)

Oui mais, soupire Senior, voilà. Ça ne se passe pas comme ça, jamais, rien n’est simple, rien n’est facile, j’aimerais tant que tu te mettes ça dans le crâne une fois pour toutes. Ce métier nous l’avons choisi. Nous aurions pu faire autre chose, pour ma part vois-tu je rêvais à ton âge de devenir maître-verrier.
Junior est surpris par la révélation, sa bouche forme un rond. Il ignore ce qu’est un maître-verrier, sans doute imagine-t-il une sorte de tenancier de bistrot ou de brasserie, mais à quoi bon le détromper ? Il serait vain de lui expliquer les chefs-d’œuvre de la cathédrale de Chartres, de la Herzogenkapelle de Vienne ou de la Water Tower de Canterbury. Soupçonne-t-il, l’ignare rejeton, que l’art du verre coloré remonte à la très haute antiquité, et que la présence de vitraux dans les basiliques paléochrétiennes est attestée par des textes de Prudence, de Tertullien ou Paul le Silenciaire ? Le père en doute à juste titre. Inutile donc de s’appesantir sur les vitraux du grand Peter Hemmel d’Andlau, ou même sur les œuvres modernes de Braque, Arp, Matisse, Bazaine ou Manessier, il faut voir les choses en face. Comment expliquer une telle déperdition de savoir et même de curiosité d’une génération sur l’autre ? Les mains de Senior se laissent aller à un glissando dépressif le long du volant, tandis que son menton s’abaisse imperceptiblement vers sa poitrine. Une suite d’erreurs, une conjonction d’événements tristes, voilà ce qui a maintenu mon fils dans son état de rustre borné. Il faut dire que ce garçon n’a pas vraiment eu de mère ; d’aucuns diraient que c’est la raison pour laquelle Junior a tendance à cogner avant de discuter, faute d’avoir bénéficié d’une présence féminine durant ses années d’apprentissage ; toutefois je ne garantis pas la validité de l’explication, car sa mère avait elle aussi le coup de poing facile.

Extrait de (Nous voilà, Gallimard 2009)

Les chevilles de Lena. Ça n’a l’air de rien, une cheville, on n’y prête guère attention, et comme on a tort. Quelle mécanique, mes enfants. Cinquante kilos de chair et d’os reposent sur ces deux bijoux de précision, donnant à leur propriétaire l’allure d’un tissu qui vole dans le vent, sans blague. Quand elle marche, par exemple, Lena tout entière pivote alternativement sur chacun de ces deux axes graciles, sans que rien ne trahisse l’effort ou l’existence d’une quelconque loi de la gravité. Deux exquises jointures finement haubanées de tendons que l’on devine sous la peau quand ils s’étirent comme des cordes d’arcs. Déjà, vous pouvez me croire, des orteils aux chevilles, il y a matière à longuement méditer. Cinquante-deux os délicatement emboîtés les uns dans les autres, c’est d’une telle beauté qu’on s’en contenterait presque, mais ce n’est qu’un début ! Regardez ces mollets ! Ah, le mollet de Lena. N’écoutez pas ceux qui prétendent qu’un mollet n’est jamais qu’un mollet, ils ne méritent pas le monde qui leur est offert, ou ils n’ont jamais vu Lena. En action, les mollets de Lena sont deux fuseaux agiles qui se creusent de fossettes ; au repos, hampes florales, double promesse, préfiguration des cuisses longues et blanches de Lena qui culminent et se croisent au-dessus des genoux, lesquels mériteraient une halte si nous n’étions pas un peu pressés. Les mollets la font surgir, bondir et disparaître ; les cuisses la ramènent, la chair s’y fait plus calme et plus large comme la rivière qui s’apaise en sortant de ses gorges, il est bon d’y plonger et de se laisser porter vers le confluent. Arrivé à ce point de sa rêverie, Paul se sent pris d’un vertige synesthésique, ce qui signifie, pour simplifier, que tous ses sens se mélangent : il voit avec les oreilles, goûte avec les yeux, touche les odeurs, je ne sais pas si je me fais bien comprendre, enfin c’est assez spécial, et assez long, en général. Quand il émerge, comme un nageur à bout de souffle, il se sent sur le point d’exploser de bonheur. Certes, une telle expression peut paraître exagérée ou convenue, mais c’est ainsi, que voulez-vous.
Où en étions-nous. Oui, le ventre de Lena. Mappemonde translucide où germent des constellations. Paul se penche sur ce puits, y enfouit la tête, ouvre grand les yeux. Inutile d’appeler, il sait qu’il y a quelqu’un dans cette nuit tiède, une ombre insaisissable se faufile dans les lueurs, une anguille, un serpent, quelqu’un. Mon fils, bon Dieu, ma fille. Quittons ce lieu inquiétant et exquis. Le ventre de Lena, de face, de profil. De dos, les reins de Lena, tendre hamac où parfois Paul pose la nuque pour regarder le ciel ou le plafond qui en tient lieu. Tout cela est parfait et cette perfection fait mal tant elle est désirable.
Faut-il vraiment que s’ajoute à cela la poitrine de Lena ? Oui, sans doute, il le faut. Car les seins de Lena sont un mystère qui bouleverse la vie de Paul. Parfois il les regarde gonfler la laine du pull marine, sûrs d’eux, rieurs, triomphants même. Ils exultent et provoquent, ils se vantent, ils tanguent, roulent, et c’est Paul qui chavire ; mais lorsqu’il se jette sur eux, lorsqu’il les débusque dans leur cachette de laine et de nylon, ce sont deux oisillons fragiles, deux chatons transis qui appellent la caresse précautionneuse, plus légère qu’une haleine. Il faut les voir quand elle les sort de la douche, finement hérissés comme l’eau d’un lac sous la pluie. Il faut les voir au réveil, quand Lena se retourne en gémissant vers le rai de lumière qui filtre entre les volets, et qu’ils font leur apparition, tendres et blancs, portant la marque des draps froissés autour des tétons bruns.
Mais ce n’est pas tout. Il y a encore du chemin à faire : la gorge de Lena, les épaules de Lena, les bras et les mains de Lena. Son cou, un rêve d’étrangleur, pas de ces cous à l’épaisseur d’écorce sur lesquels les jugulaires grimpent comme du lierre, non, l’encolure d’un vase d’opale qu’un rien pourrait briser, c’est une façon de parler bien sûr, une image, mais vous voyez, j’espère, de quoi il est question. Avons-nous parlé de son menton gentiment pointu, de ses lèvres, du goût de sa salive, de la forme de ses dents (en particulier les incisives du haut), de son nez petit et au dessin irréprochable, de la teinte de son visage quand elle rougit − car elle rougit de temps à autre, c’est son arme fatale −, de l’implantation des cheveux sur son front, du lobe de ses oreilles où chaque jour scintille un morceau de plastique différent plus beau que l’émeraude, avons-nous parlé de sa nuque ? Non, hélas. Sans compter qu’arrivés là, force est de constater que nous n’avons pas même évoqué ses hanches, le roulis enchanteur, c’est à peine croyable, quiconque marche dans la rue derrière elle en perd la route et la raison, quiconque la voit arriver en face est instantanément aveuglé par la blanche vacuité de sa propre existence, non, je vous jure, il y faudrait un livre entier. Or le narrateur sent déjà poindre chez le lecteur comme un agacement : sommes-nous dans un roman, oui ou non ? Et si oui, pourquoi ne s’est-il rien passé depuis plus de trois pages ?

Lieu de vie

Centre-Val de Loire, 37 - Indre-et-Loire

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Ateliers d'écriture en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu scolaire