Contenu | Navigation | Politique d'accessibilité | Crédits Lettre internet

Les écrivains / adhérents

Laurine Rousselet

Poésie / Récits
photo Laurine Rousselet

Laurine Rousselet, née à Dreux le dernier jour de 1974, est une poète et prosatrice d'expression française. Auteure d'une œuvre riche et diverse, elle dirige les Cahiers de l'Approche depuis 2011.
Ses interactions avec la langue et les autres arts sont initiées par sa rencontre en 1998, avec le musicien Abdelhadi El Rharbi qui l'accompagne à l'oud dans des lectures publiques, notamment sur le podium du XXe Marché de la Poésie en juin 2002. D’autres rencontres, dont trois, décisives, lui succèdent, celles d'Hubert Haddad, Marcel Moreau et Bernard Noël. En 2005, elle participe à la semaine de la Francophonie à La Havane en compagnie d'Arlette Albert-Birot et de Bernard Noël. Elle y retourne en 2009 dans le cadre d'une Mission Stendhal (Institut français). La langue et l'âme hispaniques sont désormais en elle. Elle écrit un article sur les poèmes mexicains de Bernard Noël dans le n° 69 d'Archipiélago et, surtout, publie De l'or havanais (2010), livre inclassable qui inaugure son écriture politique comme sous l'effet d'un coup de poing : « Dans une précipitation hors pair, je me mis à voir flou et, la main sur la bouche, je m’entendis balbutier « ce n’est pas vrai ». J’associe cet îlot d’enfantement à une parole nouvelle : une concrétion des sens opérant dans les sous-sols du corps. Je me mis à écrire attablée. »
Elle ne cesse, depuis, d’explorer le bilinguisme, la musique, la danse et les arts plastiques. Elle collabore notamment avec le percussionniste congolais Émile Biayenda – fondateur des « Tambours de Brazza » – et avec les danseurs Vincent Chaillet et Sara Orselli et de nombreux plasticiens (Vladimir Veličković, Serge Kantorowicz, José Ramón Díaz Alejandro, Lydie Arickx), pour produire des « objets poétiques » sonores et rythmés qui tentent de redéfinir les frontières musicales de la poésie et lui permettent d’avancer dans un espace incertain, aux frontières de la langue et de la culture.
Cette exploration des langues autres ou de ce qu’elle appelle le « parler d’à-côté » exige une action seconde, celle de la divulgation par la traduction. Dans les deux sens. Traduite en arabe, en catalan, en espagnol, en roumain, elle se fait à son tour promotrice de traductions au sein des Cahiers de l'Approche, plaquettes trimestrielles de poésie bilingue, qu'elle dirige depuis 2011, publiant tour à tour, Fátima Rodríguez, Xavier Quiepo, Cristina Peri Rossi, Maria Gracieta Besse, Lídia Jorge, Nuno Júdice, Asli Erdogan. Enfin, Laurine Rousselet, collabore aussi à des revues culturelles de Paris, de province et de l'étranger, avec un rare éclectisme. La poésie, bien sûr, le roman espagnol, la peinture sont le lot d'une polygraphe assoiffée d'humanité.
Cette écriture-crire est pour elle un cri de craie, de chair et de sens, impétueux ou retenu, donnant un sens nouveau aux « Blood, sweat and tears » churchilliens. La solitude est féconde qui l' « inconnue » à chaque écroulement. Reprenant la devise de Federico García Lorca – « Vivir es convivir o no es vivir (vivre, c'est vivre ensemble ou ne point vivre) » – , elle chante la maternité – Amaliamour, Nuit témoin – et, combattante des mots, s'intègre à la collection « Créations au féminin » dirigée par Michèle Ramond aux éditions de l'Harmattan. Son essai-poésie Syrie, ce proche ailleurs (2015), haletant d'actualité, scandé par le leitmotiv « Le régime de Bachar Al-Assad », porte une parole de femme libre et courageuse dans un monde d'hommes aveugle ou complice.
Elle partage depuis plusieurs années cette pratique exigeante et généreuse tournée vers l’autre avec des étudiants, des jeunes des écoles, des migrants.

https://www.laurine-rousselet.fr/
Bibliographie

Poésie
Tambour, Dumerchez, Paris, 2003
Mémoire de sel (bilingue français/arabe), traduction Abed Azrié, L’Inventaire, 2004
Séquelles, Dumerchez, 2005
El respir (bilingue français/catalan), traduction Manuel Costa Pau, Llibres del Segle, 2008
Journal de l’attente, éditions Isabelle Sauvage, 2013
Crisálida, L’Inventaire, 2013
Nuit témoin, éditions Isabelle Sauvage, 2016
Ruine balance, éditions Isabelle Sauvage, 2019
Barcelona, La Part Commune, 2020
Rue Ion Brezoianu, L’Inventaire, 2021
Instantanee (bilingue français/roumain), traduction Magda Cârneci, Charmides, 2021
Émergence, L’Inventaire, 2021
Réponses à la lumière, avec Nuno Júdice, Les éditions de l'Aigrette, 2023
Danser dans l’immensité, L’échappée Belle, 2024

Récits
De l’or havanais, Apogée, 2010
La Mise en jeu, Apogée, 2012
L’été de la trente et unième, Les éditions de l’Aigrette, 2021 [L’Atelier des Brisants, 2008]

Autres
Hasardismes, aphorismes, illustrations de Mark Velk, L’Inventaire, 2011
Syrie, ce proche ailleurs, essai-poésie, L’Harmattan, 2015
Correspondance avec Bernard Noël, Artaud à La Havane, L’Harmattan, 2021

Extraits

L’été de la trente et unième, récit,
éditions L'Atelier des Brisants, Mont de Marsan, 2007

Dimanche matin. Une femme travestie en homme joue, seule, à se donner la parole. Elle fait l’aumône entre deux attentes à la sortie de l’église. Installée à mon bureau ("travail de ville" oblige) sur l’Ile Saint-louis, je la vois donc choisir ses mots, elliptiques, les accompagnant de gestes fous au regard du tableau de la censure… Elle parle à ses fantômes, tape du pied contre les marches en pierre. Ses désirs s'interprètent mal. Elle est l’enfant difficile en quête d’indices tant sa solitude errante la conduit à l’enfermement… Elle se défend. Je la vois battre de l’air, envahie par son asile… Elle communie avec la déchirure de la mort sans spectaculaire et sa matière mentale compose à l’état brut. Les mains dans les poches, elle improvise un état de rêve à chaque instant et se met à l’écart… Aussi son rêve est-il une voix-off qui se remémore, un outil, sa tentation par défi de ne plus rien distinguer. C’est que le réel s’est abattu sur elle depuis longtemps, lui donnant grâce de ne plus faire face à son rideau de pluie, opaque… Ses vêtements d’homme rendent compte du dérapage de la lancinante hallucination d’être au monde, l’épreuve éclairée de sa nouvelle naissance. Et son regard est l’achèvement de notre fatigue à tous, arpentant, par survie, la "pleine page" (de la vie) et au pas lourd… Ce qui est sûr, c’est que la narration ne l’ennuie plus, elle ! L’éveil a perdu son sens, l’image son sang… Son rythme, celui d’un espace sous-tendu par une mémoire qui n’offre plus que de vagues soubresauts. Ses souvenirs agonisent dans le miroir de son attente à délirer, et sont morts étouffés par la main en alerte de la nostalgie qui a percuté sa nudité… Notre persona dénonce la sécheresse du temps aux "croyants" sous la figure de leurs refus obscurs… Et l’orgue qui s’en mêle maintenant ! L’état de création en son apocalypse tout entier qui porte haut l’espoir en souffle court "pour les siècles des siècles. Amen." ! Méchant théâtre que ce qui suit… Les "fidèles" sortent sans même saluer notre héroïne ! Elle leur sourit et sitôt le dos tourné, fait des grimaces de torture et de frustration. Sa patience a été sacrifiée par l’Autre ! Midi. Les cloches sonnent. Elle compte ses centimes. Le temps a casqué contre la mesure de l'inachèvement… Zéro pointé son brouillage du sens ! C’est que la vérité seconde la folie jusque dans le ventre des femmes… Oh, Eve…


De l’or havanais, récit, éditions Apogée, Rennes, 2010

Les corps havanais sont tout entiers gagnés par le charbon. Aucune mine cependant. La noirceur plaquée de partout, commande à l’idée d’inertie une soumission sans égal. Il passe ainsi dans le ciel des peintures. L’éclairage exprime le déchirement de la surexposition. On a les yeux littéralement impuissants devant cette volonté d’aliénation (les cartes de ravitaillement sont la ruée vers la honte). Les nuages mettent en relief des agonies de couronnements qu’un orage aussi subit que violent entraîne dans son immédiateté. Le chaos n’est jamais loin. Il se joue de nous. Son apparition est aussi concrète que le secret impalpable. Son langage prend des détours, même les jours les plus conciliants. Mais le sordide est toujours au bout de l’égarement.
Il y a deux vitesses dans ce pays, symbolisées par les monnaies : la nationale et puis l’autre. Ainsi, l’ailleurs, par nature irréductible, se voit mériter (par grincement de dents) une supériorité incontestable, aussi angoissante que certaine. Exemple : tandis que les hôtels emblématiques triturent de l’international à tout vent, les Cubains s’agglutinent pour se tenir froid dans leurs ruines. Une telle sûreté est un remuement de peurs. Mais le geste pour s’y intéresser n’existe pas. L’État organise toujours de la sublimation en vue d’un engourdissement de l’esprit à orientation d’un gel total ! Chacun repense aux années de la Révolution. Le conflit est consubstantiel au souffle. Le présent, plus informé du tout, est aussi virtuel que la réalité. Le solide est donc bien l’idée d’une pensée unique pour une existence sans modulations.
Ici, la décadence est bétonnée. Les maisons du Centro Habana extériorisent leurs entrailles révulsées qui sèchent, puantes au soleil fixé par les besoins du temps. Les têtes pointent dans les escaliers croulants, ou au pas des ouvertures sans porte. Elles sont voyeuses car elles savent qu’elles ne peuvent bouger. Au mieux, on arrache un sourire, surtout si on ne regarde pas droit dans les yeux. L’attitude est de viser juste : à la marche, ne pas déplacer le moindre détritus sur les trottoirs qui leur donnerait l’image du piétinement ordurier. Par bonheur, les enfants sont le bouleversement. Aussi beaux que le langage lorsqu’il précise la pulsation innée de la vie, leurs visages sont des mélodies qui construisent l’espace. Amalia la nené bâtit avec eux de la poésie. La mémoire est en dessous des slogans et de la culture. Seul l’événement d’être motive l’apparition de la joie.

Lieu de vie

Nouvelle-Aquitaine, 16 - Charente

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
  • Rencontres et lectures publiques
  • Ateliers d'écriture en milieu universitaire
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Ateliers / rencontres autres publics
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire