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Les écrivains / adhérents

Marc-Michel Georges

Nouvelle / Théâtre
photo Marc-Michel Georges

Un portrait ? Un portrait difficile quand c’est nous qui devons le faire ! J’entends dire dans mon dos « artiste ». Je pourrais grandement me contenter de cela. Je n’ai jamais su exactement pourquoi j’affiche auteur, comédien, metteur en scène, formateur, animateur alors que tout cela fait une vie dont en moi la cohérence. Une envie de n’être exclu d’aucun endroit ! Créer surtout. Ne pas refaire, car alors l’ennui pointe et ce n’est pas pour cela que j’ai tout lâché dans ma vie pour être ce que j’entends dans mon dos. Actuellement, j’ai l’obsession que le public retrouve le théâtre et le ressente comme le seul lieu où la parole est libre. L’obsession que le public aime à retrouver l’écriture dans ce qu’elle dit d’intime et d’universel à la fois. L’obsession que le public retrouve le chemin de ce qui doit le faire vivre au-delà de son cercle familial, de ses intérêts d’argent…

Mes grands thèmes
Que ce soit dans mes pièces, mes nouvelles, mon roman, une envie d’une autre musique avec les mots. D’une musique qui à elle seule presque, serait capable de donner le sens. Sans doute une réaction d’homme de théâtre, d’avoir envie que toute écriture puisse être « mise en bouche ».

Autre thème préoccupant aussi : la parole à ceux qui ne la prennent pas dans la vie, ceux de qui on se moque…ceux qui n’osent pas parce qu’ils croient que… leur donner un vocabulaire « truculent » (comme il se dit, quand ce sont les autres qui le disent). Inventer parfois une langue.
Et en finir avec le « romantisme » pot de crème. Parler autrement des sentiments, du quotidien, le quotidien n’est pas si quotidien que cela… il n’est jamais quotidien…. Trouver des tournures, oser des images.
Pas de petits rôles. Exclure personne. Relier.
Mon souci étant dans les soirées que j’anime dans un café littéraire à Paris, « l’amour d’écrire en direct », que le public rencontre « le corps » de l’auteur, non seulement pouvoir le toucher, mais le voir écrire.. le voir nous ressembler avec ce plus, le voir ressembler avec ce plus malgré tout à tout le monde, parce que le monde a besoin de lui aussi, et inviter tout le monde à voir cela.

Bibliographie

Dirige huit ans la compagnie, Théâtre de la Lune Noire (1980-1988) et créé 13 spectacles dont il est souvent l’auteur : Express bleu km Zero (1982, Espace Marais puis Théâtre Dunois, Paris), L’impasse du désir (1983, Festival du Carreau du Temple, Paris), Mélody pour Mélanie (1984, Théâtre Rive Gauche, Paris). Malamour (1986, Théâtre Rive Gauche, Paris)

Comédien, il joue dans des mises en scène de Philippe Adrien, Geneviève de Kermabon, Laurent Serrano…Assure la direction d’acteurs au Cirque Plume (1996).
Revient au théâtre en 1992 avec Eté 86 chez les Pujols (Lucernaire, Paris), pièce primée par Beaumarchais et l’Avant-Scène, La Maison Fri-Fri ( 1994, Laboratoires d’Aubervilliers ), Tu m’aimes comment (2000, Théâtre du Proscenium, Paris ), Pour en découdre (2003, Ciné 13 Théâtre, Paris), Animalité (2003, la Ferme du Buisson, Marnes la Vallée), Sur liste Rouge (2004, Ciné 13 Théâtre, Paris), Petits bonheurs parmi les moins tristes (2005, Sudden théâtre et Lucernaire, Paris).

Publications
éditions Crater
- Putain de Fils,
Alna Editeur
- le Tignous
- Désirs et autres solitudes
- Nom, prénom, sexe... ?
aux éditions de l’Harmattan (L’instant théâtral)
- Sur Liste Rouge
A l’Avant-scène théâtre
- Voyage entre père et mère d’Israël Horovitz.

Trois pièces en cours de montage,
Magnifico, En haut du col et Villas d’automne.
Boursier du CNL en 2003 et 1999.
Anime des ateliers d’écriture pour la Ville de Nanterre : ateliers « ouverts » et ateliers dans centre social. Atelier d’écriture mené aussi au Cameroun (1998) auprès d’auteurs dramatiques en résidence.
Animateur des soirées « L’amour d’écrire en direct » au café littéraire, l’ogre à plumes., Paris 11ème.

Extraits

Frank Pauwels, l’homme de dos

L'homme qui se tient de dos fréquemment, c'est lui : Frank Pauwels ! Silhouette en contre-jour dans tous les tableaux de femme. S'il est écrit quelque part dans le moindre synopsis "je vois un homme de dos" ou bien "un homme au loin" ou "lui, l'homme, en contre-jour, 40 ans", c'est de lui qu'il s'agit.

Légèrement débraillé, le vêtement souple, le briquet à belle flamme et sous la chevelure épaisse, un profond mystère. Une Merco garée à vingt pas, vitres baissées, qui laisse entendre doucement du Sony Rollins ; c’est lui. Frank Pauwels.

La position est importante, elle est travaillée minutieusement : une des mains dans les poches, qui farfouille une collection de billets de banque de toute la communauté européenne, le genoux légèrement fléchi..

Il pose un regard bleu fatigué sur toutes choses et tous les êtres. Et non des moindres. Exemple : prenons une femme très belle ! Aucun mouvement vers elle, aucune manifestation d'impatience, maintenir le genoux fléchi, le regard fatigué, de dos.

Le cigare ! Important le cigare ! Il doit brûler entre les doigts de sa main gauche car son majeur est cerclé d'une bague rare. Ne pas porter le cigare à la bouche, afin de maintenir la blancheur des dents puisque à n'importe quel moment, il se pourrait qu’il se retourne avec aux lèvres, un sourire comportant les 12 dents du haut et les 8 du bas. Un sourire très doux devant un enfant rebelle qui lui pointerait une Kalachnikov.

Il peut chanter avec une voix très grave, dans les clubs très fermés de New York, vers 5 heures du matin, affalé astucieusement sur un comptoir, entouré de deux femmes vénales dont l'une obligatoirement serait de Bangkok.

A la question : "jouez vous du saxo ?", il feint de répondre "non". Mais il peut. A la question : « vous êtes libre ? », il répond « pardon… ?». Ainsi la question lui est posée une seconde fois mais sur le ton alors d'une intense gravité.. Il use à cet instant, pour l'interlocuteur, d'un silence pesant, tout en se délestant d'un veston en pure laine :

- Ah.. la liberté ?.. la .. liberté... !

En fait, il n’a rien de particulier à dire sur la liberté. Rien. Il doit simplement laisser entendre que des hommes de sa trempe, ont un tel destin à accomplir…qu'il est préférable de taire ce mot..

- la liberté... Ah ! La liberté…Si seulement…

La réponse ne viendra jamais, ou beaucoup plus tard, dans un recueil de poèmes édité à compte d’auteurs dont le titre pourrait être « l’homme de dos au bout du monde 1 ». Enigme lui-même, il aura ce goût pour les titres amphigouriques.

Il se dit récidiviste, avoue treize identités, pour masquer des crimes qu’il n’a pas commis. Crimes mineurs mais pour des mobiles majeurs. Il dit avoir, dans le silence des mûrs d’un Sheraton, côtoyé Dédé le belge, Zappalito et le Monocle... Il le dit.

Il aurait pu avoir la fâcheuse tendance, bien compréhensible, d'être un procréateur prolixe. Par précaution, à Genève, Suisse, on a pratiqué sur lui, une vasectomie. Pas envie de laisser des semences, chez des femmes qui passeraient ensuite leur temps à le poursuivre un enfant dans les bras.. pour je ne sais.. quelle faute !

France est une amie. Il le dit. France est mon amie. Mais France ne dit pas cela. France l’appelle… Frank, mais avec un léger silence qui précède le « Frank ».

France s’est toujours confiée à Estelle, qui vit dans un hameau des Hautes Alpes. J’ai des sentiments beaucoup plus forts qu’amicaux, pour Frank, lui avoue France, un jour.. Donne-moi ton avis ?

- c’est un ami avec qui tu baises, n’oublies pas ça ! C’est tout !

Cette amie avait dit ça, avec légèreté et France fut ébranlée quelques jours, dans ses certitudes. Puis elle cessa de lui faire des confidences. Vous êtes trop loin de moi ma chérie, toi et les hautes Alpes ! Et pour me répondre ça, tu t’es référé à ta propre histoire ou à quelqu’un que tu connais..

Aujourd’hui, France appelle Frank :

- alors Frank, c’était comment l’Egypte ? Alors Frank, le Surinam.. raconte !

Ils se voient dans un restaurant Libanais près de Beaubourg. Une habitude. Il est tard, le serveur a sommeil mais reste affable. Ils boivent et reboivent. Un château Kefraya. Entre amis, faut être juste un peu saoul, pour coucher ensemble. Glisser l’un dans l’autre. Glisser pour entrer, glisser pour sortir. Sans s’être regardé une seule fois. Oublier qu’on l’a fait. N’avoir rien vu. Ça ne compte pas, entre amis. Et beaucoup parler ensuite, de choses bien concrètes. Avec cette légère frustration, avant de se quitter, qui fait dire à France, t’oublieras pas de me rendre… t’oublieras pas de me refiler…un livre, un objet quelconque. (Parce qu’ils auront par négligence couchés ensemble après le restaurant). France veut reprendre son bien. France veut reprendre ce qu’il lui a pris, par étourderie, égoïsme.

Frank sait qu’un jour il n’aura plus cette place réservée. Aujourd’hui, il peut lui parler de l’Egypte, du Surinam, ils peuvent se retrouver au Libanais. Elle regarde ses mains, ses chemises de marque. Mais un jour, elle verra qu’il est vieux, qu’il ment, qu’il se laisse aller. Il y a trop de désordre dans ses cheveux. Aujourd’hui il peut glisser en elle. Il sait découper sa silhouette dans la lumière, il sait arrondir sa voix. Il aime donner du regret aux femmes, sans jamais s’engager. Tout cela est travaillé avec une extrême minutie. Le rôle fluide de l’homme de dos : silhouette grise dans tous les scénarii. L’homme-décor. Celui qui donne du corps à un paysage. La roue de secours dans le coffre : gonflé à bloc, mais si discret. Mais un jour, sans bruit, il devra céder sa place. Il le sait. C’est prévu. Il a travaillé sa sortie. Frank, c’est l’homme de dos.
Celui qu’on voit partir, sans chagrin. L’intérimaire. La doublure lumière. L’ex-ami.

Il préfère et de loin, les larmes à l’ennui. Oui, il se verrait parfois avec une femme et un enfant, mais le temps d’un dimanche, le temps d’une photo comme une expérience en plus. Le temps de poser cet enfant sur un manège et le reprendre ensuite pour le reposer à terre.

Il a une vieille maman qui lui prépare toujours de gros bouillons-cubes. Elle a conservé son petit vélo et sa collection de timbres des chocolat Poulain. Elle lui demande à chaque fois : t’es avec qui en ce moment ? Il décline un prénom et dessine un geste dans l’espace, après avoir dit : c’est une femme…. Son geste veut aller toucher le ciel alors que ses yeux retombent sur ses chaussures. Il est atteint de cette manie terrible, de vouloir posséder des femmes inaccessibles.

- tu ne te fixeras donc point, dit sa mère..

Et elle se lance dans des paris.
- un jour il y en a une qui arrivera par derrière et qui te mènera par le bout du nez… mais je serais morte, Dieu merci.

Alors, il se tuera, contre un mur, loin d’ici, les yeux bandés, en prononçant un cri de révolutionnaire balte ou lituanien. Il le dit. On ne retrouvera sur lui qu'un briquet à longue flamme et dernière fausse piste, ce mot écrit très gros sur un carnet chiffonné : France. Ca se passera loin d’ici. Et sans savoir, tous et toutes diront qu’il avait le regret d’un pays.

Extrait du recueil de nouvelles, « Nom, prénom, sexe… ? » chez Alna Editeur.

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