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Les écrivains / adhérents

Christine de Lailhacar

Roman / Essais
photo Christine de Lailhacar

Née en Allemagne il y a longtemps – pas assez longtemps cependant pour avoir vécu les années nazies – j’étais imprégnée par les images et l’atmosphère qui avaient marqué mon milieu en province rhénane : l’esprit étroit, petit-bourgeois Weimarien puis fasciste aux prises avec expressionnisme, art déco, neue Sachlichkeit, souvent à l’intérieur d’un seul et même individu. Mon père était photographe en troisième génération, petit-fils d’un élève de Daguerre. Artiste doué et politiquement naïf, il avait été persuadé – ou contraint probablement (je ne saurai jamais) – par Goebbels de devenir assistant au photographe personnel d’Hitler, Hans Hoffmann.

Ce décalage culturel cause une tension entre rétro nostalgique (mes grand parents et leurs meubles Biedermeier – qui veut dire « humble bonhomme » – si sages et inquiétants à la fois, avec le bois sombre, lisse, sculpté en forme de serpents entourant les coussins douillets) et avant-garde provocante. Ce décalage est à la base d’un conflit entre un réflexe conditionné de préjugés réactionnaires et l’ouverture vers l’autre, ambiguïté qui informe jusqu’à ce jour mes choix thématiques et – il faut le croire –existentiels.

Après le Humanistische Gymnasium (principalement latin et grec), études de droit à l’université de Munich (lâchées à cause d’ennui), études de Sciences Po. à Paris (lâchées à cause d’excitation amoureuse), je suis devenue Française en épousant un Français titré avec qui j’ai passé trop d’années dans la jet set dont le seul bénéfice était l’acquisition de plusieurs langues: l’espagnol au bar immergé d’une piscine d’Acapulco, le russe chez « Raspoutine » à Paris, etc. Après un second mariage avec un professeur d’origine russe à New York, j’ai tâchée de devenir sérieuse et de me trouver une » ligne » : j’ai obtenu mon doctorat en littérature comparée (allemand, espagnol, russe, français, anglais) à la Columbia University, puis enseigné à la State University of New York au rang de professeur associé.

Fille de nazi, je vis avec mon mari juif à Manhattan en hiver et, entourée de vaches et pommes de terre, en Normandie pendant les mois d’été. De là je viens souvent à Paris pour visiter ma fille et sa famille et pour participer aux réunions du comité de rédaction de la revue Passages dont je suis membre. Si j'ai mis huit ans pour terminer mon roman "Salt Prints" qui vient de sortir en anglais aux E.U., c’est que je vis dans la servitude de ma jeune chienne et ma veille jument qui toutes les deux ont le génie de me culpabiliser si je ne m’occupe pas exclusivement de chacune à plein temps. Sur le plan académique, la littérature comparée est connue comme refuge des touche-à-tout. Je reste donc fidèle à moi-même en n’étant fidèle à rien.
A preuve la diversité de mes publications.

Bibliographie

Publications (sélection)
Livres
– The Mestizo As Crucible : Andean Indian and African Poets of Mixed Origin As Possibility of Comparative Poetics. New York: Lang, 1996. Ecrit grâce à une bourse (congé payé) du Nuala McGann Drescher Affirmative Action Committee de l’Université de l’Etat de New York. Sélectionné par la Poetry Society of America, il figurait dans l’Annual Poets House Showcase à New York.
– Salt Prints. (roman) Baltimore, Publishamerica, 2009

Contributions à des collections d’essais et articles (sélection) :
– « Sign-Eros-Emptiness : The Japan of Roland Barthes » in Collection of the Monterey Institute of International Studies, Monterey, California, 1985
– “Foyers littéraires: essai socio-sémiotique” in Noesis II, Barcelona
– « The Mirror and the Encyclopedia » in Edna Aizenberg, ed., Borges and his Successors. New York: University of Missouri Press, 1990
– “This Afternoon, My Love: Sor Juana Ines de la Cruz.” Encyclopedia Masterplots II, California: Salem Press, 1992
– “Magic Mix: African Tradition and the Contemporary Metis” in Power of Narration, Will van Peer, ed. Tokyo: University of Tokyo Press, 1995
– Fragments of Fictional Memory As Building Blocks of Identity” in Proceedings of the XXVth ICLA Congress, Leyden, NL, 1997
– “L’inquiétant étranger” in Passages, Paris, 1996
– « Svastika petit-bourgeois » in Passages, Paris
– « Viktor Klemperer : Fidélité du cœur contre lucidité de la raison ». Passages, 2001
– « L’autre ? Connais pas : L’air du temps post-political correctness ». Passages 2006
– « Léopold Sedar Senghor ou l’appel des profondeurs » in Senghor – Mémoire, Edouard Maunick, ed. Paris : Editions de l’UNESCO, 2006
– « Autor-actor-auctor : le discours autoritaire », Passages, 2007
– « Viekhi iourisprudentsii vo vremeni i istorii » (Réflexions sur l’œuvre du philosophe et juriste russe Peter Barenboim, dont Racines bibliques de la séparation des pouvoirs. Moscou :Sakonodatel’stvo II, 11, 20008
– « Autofiction et vol d’identité ». Passages, juin 2009

Extraits

Extraits de : The Mestizo As Crucible (le métis comme creuset)

Après le chapitre initial :
« La blessure de l’Inka », en guise de conclusion « La cicatrice de Walcott : trauma tourne thauma (miracle). » [ traduction mienne] :

L’avènement (1) toujours différé du retour chez soi, l’incessant recommencement de »la restauration de nos histoires fracassées » (2) est pour le métis la quête d’Ithaca… L’Ithaca utopique apportera la révélation d’identité, puisque l’identité est, dans les mots du métis caraïbe Caryl Phillips, « l’histoire que nous nous racontons à nous-mêmes du passé » (3).
Quand rien d’autre n’atteste le lien avec l’origine – pas de pièces de monnaie cassées complémentaires, pas de moitiés de courge joignables, pas de cicatrice – l’ancienne blessure sera toujours inscrite sur la peau. C’est la blessure du « sevrage du pays où la corde ombilicale ancestrale a été enterrée » (4) Grâce à une cicatrice, une sage femme, telle que la nourrice d’Ulysse, Erycleia, l’humble terre-mère, va être la première à reconnaître (anagnorisis), à son retour à Ithaca, celui qu’elle a aidé à naître.
La location d’Ithaca-Africa est déterminable plutôt comme « carrefour dans l’espace » (5) que comme point concret sur le mappemonde. On s’approche d’Ithaca par navigation stellaire, orienté par le seul sextant du sevrage. Mais dans l’anamnèse du sevrage surgit la spirale, expansive à l’instar du vol du faucon, des images associatives à partir de la blessure (trauma) :
Blessure = corolle de fleur = lèvres vaginales = coquille piège (Calypso)
Blessure- = bouche = parole = poésie…
1. « Advent » (révélation imminente), voir Maurice Blanchot, Le livre à venir.
2.Derek Walcott, acceptation du Prix Nobel, 1992
3.Caryl Phillips, Crossing the River. New York, Knopf, 1994
4.Ngugi wa T’iongo, “The Voice of African Presence,” World Literature Today, vol. 68, 4 (Autunm 94)
5.beni kene (bambara), croisement dans l’espace des quatre directions cardinales formant le berceau-Origine.

De : « Autofiction et vol d’identité » :
….La recherche de la véracité émotionnelle coïncide avec la quête de l’identité, du moi. Quant aux données empiriques qui peuvent avoir suscité l’émotion, nous ne pouvons même plus nous fier à l’instrument clé de l’objectivité, la caméra qui, avant l’avènement de la photographie digitale manipulatrice, était censée documenter tout de manière incontestable, de l’accident de voiture à l’adultère et autres désastres. J’ai eu récemment besoin d’une photo d’identité. Désastre !
Le photomaton de gare cracha quatre épreuves : la première était brouillée. Je suis nulle. La seconde ressemblait à ces photos accrochées aux murs des commissariats de police « Wanted ! ». Une psychopathe à tendance assassine. Pas moi, quand même. La troisième montrait une débile mentale au sourire béat. Pas moi non plus, j’espère. Sur la quatrième on pouvait distinguer de fines rides autour des lèvres. Définitivement pas moi, je ne suis pas si vieille que ça !
Une amie photographe de mode, assistée de son make-up artist, avec des tonnes de maquillage et de concealer (cacheur) et manipulation d’angles d’éclairage artificiel, puis retouches sur l’ordinateur, a créé une star de cinéma. Enfin je peux identifier. Seule mon amie a su rendre mon vrai moi en toute sa subtilité. Et toutes les personnes à qui j’ai montré la photo se sont exclamées : « Oh là, quelle belle femme ! Qui est-elle ? »

Lieu de vie

Normandie, 76 - Seine-Maritime

Types d'interventions
  • Rencontres et lectures publiques
  • Ateliers / rencontres autres publics