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Lamia Berrada-Berca

Poésie / Roman
photo Lamia Berrada-Berca

Lamia Berrada-Berca est née en 1970. De l’héritage légué par ses parents, au croisement d’un grand-père suisse-écossais et d’un autre arabe, d’une grand-mère française et d’une autre berbère, aux croisements de Paris, Berne, Fès, Aberdeen et le Sud marocain, entre une sœur vivant à Montréal et un mari d’origine sicilienne subsiste, comme un phare, la langue française. Langue de survivance enracinée au plus profond d’elle, en laquelle s’est dissout le souvenir ancien de toutes les autres – berbère, arabe et anglais – émiettées dans le fil de la transmission… Langue unique qui n’ignore pas cet héritage multiple mais qui demeure investie d’un amour sans partage au point qu’elle en fait très logiquement à l’âge adulte son métier.
Devenue professeur de Lettres Modernes après des études à La Sorbonne, elle exerce durant plusieurs années en région parisienne puis se tourne vers l’image dans le désir de confronter ses mots à d’autres univers, photographiques ou plastiques. Sa rencontre avec le Groupe Français d’Éducation Nouvelle en 96 puis les classes à projets artistiques qu’elle anime ensuite l’engagent à mener des projets où l’écriture trouve sa force d’expression au croisement d’autres arts, ou aujourd’hui dans le cadre du documentaire.
Elle s’intéresse avant tout à ce que l’individu dit de lui dans une société minée par des valeurs qui trop souvent en annihilent la sensibilité ou la conscience. Son écriture explore la solitude des êtres, les espaces de communication incertains, les failles minuscules qui se glissent dans le vécu de chacun, l’espace de l’intime, secoué de deuils et de petites métamorphoses, pour mesurer le vertige qui nous sépare de toutes les vies qu’on n’aura jamais vécues et de toutes celles que nous vivons tellement en-deçà…
Ayant côtoyé de près le fonctionnement de sociétés dites traditionnelles où l’individu éprouve encore des difficultés à s’exprimer librement, et d’autres où l’individu s’est trouvé bouleversé dans ses repères par l’évolution du monde moderne, elle tente d’exprimer dans ses écrits les difficultés de l’homme contemporain – enfant ou adulte –, à fixer son identité propre et son histoire personnelle. Son propre rapport au métissage la conduit à inscrire son écriture dans l’image du déplacement, le voyage, l’errance, l’existence mouvante de personnages qui invitent toujours à partir de l’autre pour reconsidérer le chemin qui mène vers soi.

Bibliographie

Roman
Chasser les ombres, éditions do, 2021
Et vivre, Beckett ?, Le Temps qu'il fait, 2018
Guerres d'une vie ordinaire, éditions du Sirocco, 2015
Une même nuit nous attend tous, éditions La Cheminante, 2012. Prix de l’Association des Écrivains de Langue Française Maghreb-Afrique Méditerranéenne
Kant et la petite robe rouge, éditions La Cheminante, 2011, (rééd. éditions do, 2021, prix des lycéens du salon de Villeneuve-sur-Lot)
Une île posée sur l’horizon, Mon Petit Éditeur, 2010
Éclatantes Solitudes, Mon Petit Éditeur, 2010

Poésie
Le lien rompu. Revue Rivaginaire, 1998

Extraits

Une île posée sur l’horizon, Mon Petit Editeur. 2010

C’est alors que Maud tombe malade.

La mère la soigne.
La garde auprès d’elle comme il faut garder farouchement tout ce qu’on sait n’avoir pas la force de perdre même lorsqu’on se sait perdue.

Tout le temps qu’il faut, dit le médecin en partant.
Le temps ne compte pas, pense la mère.
Le temps ment, murmure Maud.

Mais personne n’entend.

La maîtresse s’inquiète.
Maud est une chaise vide dans la classe.

Maud est un nuage perdu dans un ciel de traîne.

Et dedans il fait noir.
Aucun mot ne vient dans la chambre où elle repose faire offrande de lumière.
Les yeux clos de l’enfant palpitent comme des ailes d’oiseau.
Sur le lit le corps de la fillette s’évade à la frontière de ce qui fait linceul.

Des caresses de mère courent inlassablement sur le bras de Maud qui devient peu à peu rivage.
Ile abandonnée à la douceur d’un sublime naufrage.

Et dans ses bras une poupée dort, paisible.

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Texte 2
Eclatantes Solitudes, Mon Petit Editeur, 2010.

- Alors, il t’a dit ?

Un visage qui se tourne, empreint d’une grande lassitude.
Il y a quelque chose d’indéfinissable dans un visage qui décide de vous faire face, d’être dans la lumière, de donner sa vérité…

Les visages d’enfants sont des tournesols. Mais là, les images s’enchevêtrent, brouillées, et viennent noyer le regard de Gina.
Le désespoir des mots, dans le fracas du silence. Un grand silence qui jaillit, comme un trou, quand les fissures du temps ont raison des jointures mal finies d’une histoire…

Elle ne veut plus des mots, du découpage absurde de ses désirs, du pouvoir insensé de ceux qu’on a dits, et de ceux, plus insensé encore, qu’on ne dit pas…

Elle veut le langage pur qui la préserve intacte. A trop vouloir, à tout dire. A travailler la matière du silence pour la vider jusqu’à épuisement de ses secrets. Echapper à quoi ? S’atteindre jusqu’où ? Si ce qu’elle dit est vrai, si ce qu’elle entend répond bien à ce qu’on lui dit. Si elle arrive à ne pas dire ce qui ne doit pas l’être…

- Alors, il t’a dit ?

Elle me pose la question comme une enfant qui attend qu’on lui pardonne de quelque chose qu’elle aurait préféré ne jamais commettre. Mais l’histoire qu’elle a vécue avec Philippe n’a plus lieu d’être, là où je me trouve. Face à elle.

J’ai d’autres choses à lui dire, moi. Je m’avance. Je prends calmement son visage dans mes mains.
Là où se lisent les mots.
Là où ils creusent leurs sillons, violents.
Ce n’est pas leur violence qui me fait peur.

C’est ce qui fait qu’avant de parler, on parle déjà.

Lieu de vie

Île-de-France, 75 - Paris

Types d'interventions
  • Ateliers d'écriture en milieu scolaire
  • Rencontres et lectures publiques
  • Rencontres en milieu universitaire
  • Résidences
  • Rencontres en milieu scolaire